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des apprentis, qui se défendaient, tant bien que mal, à coups de bâton et de couteau : malgré tout, ils furent chassés ce premier jour ; mais le lendemain 28 ils revinrent bien plus nombreux, « voulant, disaient-ils, mettre à bas l’abbaye où on avait introduit un autel et des orgues à la papiste. » Ils étaient menés, entre autres, par un gentilhomme, sir Richard Wiseman, qui, dans cette nouvelle échauffourée, fut assez grièvement blessé pour en mourir. Le 29, il y eut encore de nouvelles rixes. Quinze ou seize officiers, groupés devant la porte de White-Hall, tombèrent sur la foule accourue pour les regarder et les narguer. Ils blessèrent une soixantaine d’hommes, ayant bien soin de ne frapper qu’avec le tranchant, non la pointe de leurs épées, car ils ne voulaient que blesser et non tuer. Ce jour-là aussi, cinq cents jeunes gens des écoles de droit (innés of court) vinrent, armés de leurs épées, offrir en corps leurs services à sa majesté. Enfin une compagnie de soldats fut placée dans l’abbaye même de Westminster, et comme, venant à passer, je leur demandais par l’ordre de qui ils se trouvaient là, l’un d’eux me répondit : « Par ordre de l’archevêque d’York, » ce que je ne laissai pas de trouver singulier, bien que j’aie vu en mon pays de grandes armées fort bien conduites par d’illustres prélats ; mais en Angleterre cela est plus rare, et les gens d’église depuis longtemps ont renoncé à mener les troupes. Bref, de tous côtés, à partir de ce moment, on ne vit plus guère de boutiques ouvertes, et, chacun s’armant pour sa défense particulière, il se répandit par tout Londres comme un avant-goût de guerre civile, dont s’alarmaient fort les gens honnêtes et pacifiques.

Pendant ces mêmes journées où les rues de Londres s’ensanglantaient de la sorte, le parlement s’occupait principalement du renvoi de lord Newport. J’y entendis, pour la première fois, parler un député de Cambridge, nommé Oliver Cromwell, — bien petit personnage auprès de M. Pym, de M. Denzil Hollis, de M. Hampden et autres, — mais qui me parut avoir quelque sens politique. « Laissons de côté, disait-il, les paroles plus ou moins vaines que l’on prête au roi. L’important est de savoir si quelque conseil qu’on puisse taxer de haute trahison fut donné à sa majesté, et par qui, de savoir si on a réellement nourri le projet d’intimider le parlement à l’aide des troupes… » Il entendait, m’a-t-on dit, faire allusion au comte de Bristol, qu’il accusait aussi, à mots couverts, d’avoir voulu convertir le roi d’Angleterre au catholicisme, et il termina par demander que ce noble personnage fût éloigné des conseils de la couronne. Je crois qu’ils poursuivent ainsi ce vieux seigneur, non pas tant à cause de ses anciens méfaits politiques, (assez nombreux cependant) que par suite de la rancune qu’ils nourrissent contre son fils, le jeune lord Digby. Traître à leur cause