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vis-à-vis d’eux, il n’était plus question que de menaces, la plupart du temps à mots couverts.

Onze voix seulement de majorité firent passer, le 1er décembre, la fameuse remontrance. Le même jour, les deux chambres adoptèrent une résolution contre toute tolérance du culte catholique en Irlande ou dans toute autre partie des domaines du roi d’Angleterre. Si elles étaient d’accord sur ce point, il s’en faut qu’elles marchassent du même pas dans d’autres voies. Ainsi les communes contestaient au roi la prérogative de presser des soldats pour l’armée ; le roi défendait ce privilège, exercé sans conteste par tous ses ancêtres. Les lords, en cette délicate question, inclinaient pour maintenir au roi sa prérogative, fondée sur une constante pratique ; pourtant ils étaient quelque peu effrayés du ton menaçant que les communes avaient pris vis-à-vis d’eux : ce que voyant, sa majesté intervint assez gauchement, comme dans le procès de mylord Strafford, et offrit de ratifier le bill pour la levée des troupes, sous réserve de ses droits royaux, remettant à d’autres temps la discussion du principe constitutionnel.

Grâce à la remontrance, qui commença de circuler vers le 22 décembre, et aussi grâce à tous ces débats durant lesquels l’autorité royale était mise en soupçon chaque jour avec plus de hardiesse, l’effet passager de la rentrée du roi et le souvenir de sa réception triomphante s’étaient rapidement affaiblis. Profitant du répit qu’il leur avait laissé, malgré le dessein qu’il avait déjà formé de les perdre, — dessein dont nous verrons éclater les preuves, — ses adversaires étaient désormais en mesure de lui tenir tête, et leur popularité renaissante ne pouvait manquer de leur servir de bouclier à l’heure du péril. Ce n’était pas à nous autres, agens de la politique française, qui les avions aidés et soutenus en de moins favorables circonstances, de les abandonner quand l’ascendant paraissait leur revenir, et je vous avouerai sans détour que nos relations, déjà fréquentes avec les principaux du parlement, devinrent de plus en plus intimes ; mais nous avions aussi des amis de l’autre côté, et vous savez assez qu’aucune démarche de sa majesté le roi d’Angleterre ne reste longtemps cachée aux envoyés du roi de France. Nous commençâmes donc, tout des premiers, à noter quelques mesures qui donnaient à prévoir de ce côté des résolutions violentes. Un des postes les plus importans en temps de crise, à savoir la lieutenance de la Tour de Londres, était aux mains du sieur Balfour, Écossais, fort ami du parlement, et qui le fit bien voir, il y a quelques mois, en refusant les sommes énormes qu’on lui proposait, avec la main d’une des filles mêmes de mylord Strafford, s’il voulait favoriser l’évasion de ce prisonnier.