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comme on appelle en Écosse les agens dévoués de l’autorité royale. Puis, satisfait à bon marché comme vous voyez, le roi d’Angleterre, après avoir donné une grande fête à ses fidèles états d’Écosse, s’en revint ici à la fin de novembre dernier.

Les affaires, médiocrement pacifiées dans le pays turbulent où il venait de séjourner, prenaient en Irlande une tournure singulière. En cherchant à y faire des enrôlemens secrets pour sa cause sous prétexte de lever des hommes pour l’armée espagnole, le roi Charles avait déchaîné sur le pays tout entier le parti des « anciens Irlandais. » Le complot ourdi par ses ordres pour s’emparer du château de Dublin avait échoué, et les principaux conspirateurs royalistes s’étaient enfuis, appelant aux armes les catholiques irlandais, qui, se livrant d’ailleurs à toute sorte de pillages, attaquèrent immédiatement sur tous les points les garnisons anglaises. Les lords-justiciers d’Irlande, chargés du gouvernement depuis la mort de mylord Strafford, se tinrent prudemment enfermés dans la ville de Dublin, réclamant et attendant les secours que le parlement d’Angleterre leur pourrait envoyer. Du roi, ils n’en espéraient guère, les rebelles irlandais étant incités à guerroyer par les deux émissaires de sa majesté, les comtes d’Antrim et d’Ormond, le dernier nommé commandant des troupes d’Irlande peu de jours avant que sa majesté ne partît d’Edimbourg pour s’en revenir à Londres. Quant au parlement, qui s’était donné sans trop de prudence six semaines de repos, il se trouvait en une passe difficile. Refuser des troupes au roi pour dompter les rebelles irlandais, c’était, comme on dit vulgairement, montrer le bout de l’oreille ; en accorder sans précaution, c’était se mettre en grand péril, puisque, une fois réunies, ces troupes pouvaient être employées à ruiner son autorité. D’un autre côté, comment éviter une grave inconséquence ? Le parlement venait d’appuyer les Écossais dans leur résistance à l’épiscopat, que le roi voulait leur imposer, et aux catholiques d’Irlande il irait, à force ouverte, disputer leur croyance ! Défendre la liberté religieuse dans un pays et en même temps écraser dans un autre pays cette même liberté, ne voilà-t-il pas une étrange contradiction ? Ainsi pourtant le voulait la nécessité politique, les catholiques irlandais étant au fond pour la royauté absolue, tandis que les presbytériens écossais, en même temps qu’ils combattaient pour la liberté de conscience, réclamaient aussi les privilèges de la nation, quelques-uns d’entre eux inclinant même déjà vers une république. L’Écosse à peu près satisfaite, l’Irlande se révoltant au nom du roi, dont les chefs des rebelles disaient hautement avoir des lettres, les affaires du monarque reprenaient donc un aspect des plus favorables. Ceci se sentait de loin, et les royalistes d’ici montraient une contenance joyeuse, tandis que les autres étaient en grand souci de ce qui allait se passer.