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valeur militaire de ses habitans et le curieux entêtement religieux du bas peuple. Quant aux principaux parmi les covenanters, une fois qu’ils eurent tiré du roi toutes les largesses par lesquelles, en même temps que par son apparente docilité, il espérait les mettre dans son parti, sa présence leur devint gênante. Peut-être est-ce là ce qu’il faut conclure de cette peur subite qu’affectèrent de prendre trois des plus grands seigneurs du parti, le marquis de Hamilton, son frère le comte de Lanark et le comte d’Argyle, qui, le 12 octobre dernier au matin, se sauvèrent tout soudainement, comme gens menacés dans leur vie. M. de Montrose (encore prisonnier au château, notez ce point-ci,) les avait, prétendaient-ils, vilainement dénoncés, et le roi, sur l’offre qu’il avait faite de les convaincre de trahison envers sa personne, devait les mander auprès de lui pour les faire enlever ou tuer, selon qu’il jugerait à propos. Fondée ou feinte (car nous ne savons encore ici à quoi nous en tenir)[1], leur crainte les servit à point. Les bourgeois d’Edimbourg s’émurent et prirent les armes. Les communes d’Angleterre s’effrayèrent. Sur la demande du roi, qui manifestait la plus violente indignation, une enquête fut ouverte ; mais comme le parlement d’Ecosse, loin de s’émouvoir en faveur du prince, tirait l’affaire en longueur, et que le conseil de Westminster insistait pour le prompt retour de sa majesté, dont l’absence durait déjà depuis près de trois mois, cette affaire si obscure s’éteignit dans un accommodement singulier. Du côté du roi, qui céda comme toujours sur les points importans, il y eut des faveurs considérables accordées à ceux qui prétendaient qu’il les avait voulu faire exécuter secrètement. Hamilton était marquis, on le fit duc ; Argyle était comte, on le fit marquis ; Lanark (qui, par parenthèse, avait proposé à sa majesté, au cas où son frère Hamilton serait reconnu traître, de l’immoler de sa main) resta tout aussi avant que jamais dans la faveur royale. L’un des plus terribles covenanters, M. Archibald Johnston, — vous venez de voir pour quel service, — reçut le titre de chevalier et fut fait lord des sessions. Enfin les biens des évêques furent largement distribués aux chefs presbytériens, qui faillirent se prendre aux cheveux quand il fut question de partager ces riches dépouilles. En échange de tant de libéralités, sa majesté n’obtint que le droit de pardonner à ses partisans, et d’anéantir les procédures dont ils étaient menacés. M. de Montrose recouvra sa liberté, ainsi que les autres « incendiaires et fauteurs de complot, »

  1. Ce mystérieux épisode, connu dans l’histoire d’Angleterre sous le nom de l’incident, n’est pas encore éclairci, et ne le sera probablement jamais. M. Malcolm Laing, celui de tous les historiens contemporains qui l’a le plus approfondi, croit au projet que Charles Ier aurait eu de faire arrêter les deux Hamilton et Argyle sur les dénonciations de Montrose, que lui transmettait un personnage fort équivoque, William Murray, premier valet de chambre de Charles.