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grand soin de mettre en substance ce qui, dans nos rapports secrets, peut être livré au public, — vous avez assez connu, dis-je, ce qui suivit la mort de mylord Strafford. Sous un ministère choisi parmi les chefs de la noblesse opposante, comme feu le duc de Bedford, les lords Bristol, Essex, Hertford, Mandeville, Savile et Say, les communes, mal contenues, obtinrent coup sur coup des victoires signalées. Sans parler du voyage que la reine d’Angleterre voulait faire en France, et qu’elles empêchèrent par une pétition concertée avec les lords du royaume (juillet 1641), elles abolirent les cours de chambre étoilée et de haute commission, la fameuse taxe du ship money, établirent la réunion, — même sans convocation royale, — des parlement futurs à chaque troisième année, et enfin firent ratifier ce bill qui défend de dissoudre, proroger ou ajourner le présent parlement sans le préalable consentement des deux chambres : ce que voyant, le roi, forcé de céder sur tous ces points, chercha secours dans la chambre haute, où, en distribuant aux principaux membres quelques grandes charges vacantes, il réussit à susciter une sorte de jalousie des pairs contre les communes. Il essaya aussi de reprendre en sous-œuvre cette « conspiration de l’armée » que, l’année précédente, avaient fait échouer les prétentions et l’ambition du sieur Goring[1] ; mais il avait affaire à des ennemis prompts et vigilans. La trame fut éventée et rompue. Le second voyage du roi d’Angleterre en Écosse suivit de près cette déconvenue ; comme il se rattache étroitement à ce qui vient de se passer ici, souffrez que je vous dise quelques mots des motifs secrets qui déterminèrent en cette occasion le monarque.

Après avoir été en fort mauvais état, ses affaires d’Écosse semblaient prendre un tour plus favorable. M. de Montrose et bon nombre d’autres, jadis ses ennemis, commençaient à se raviser et tendaient à se séparer du fameux covenant en formant une ligue à part. Une correspondance secrète qu’ils avaient avec le roi ayant été découverte au mois de juin 1641, il y eut grande émotion parmi les presbytériens, qui firent arrêter et emprisonner les quatre principaux chefs de cette nouvelle ligue au château d’Edimbourg. Leur procès allait s’instruire, et le roi, dont tout l’espoir était maintenant dans la désunion des deux parlemens d’Angleterre et d’Écosse, voulait

  1. C’est, ce qu’on appelle l’army plot. Les troupes anglaises, trouvant mauvais que le plus clair des subsides militaires fût envoyé à l’armée d’Écosse, encore établie dans les comtés du nord, étaient mal disposées pour le parlement. On tenta de faire signer une pétition par les principaux officiers, qui, pour lui donner plus de poids, feraient marcher leurs troupes du côté de Londres. Goring, le principal meneur de cette entreprise royaliste, espérait le commandement en chef. Quand il sut qu’on destinait cet emploi à un autre, il fit, par dépit, échouer la combinaison en dénonçant aux communes le plan contre-révolutionnaire. Pym se servit avec succès de cette révélation pour enlever le vote du bill d’attainder qui fit périr Strafford.