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le roi de France. C’est ce que je vous prierai de faire remarquer, avec votre discernement des circonstances, à qui vous savez.

Du procès et de la mort de lord Strafford, à quoi s’employa, dès qu’il fut établi (novembre 1640), le parlement nouveau, je n’ai pas à vous entretenir longuement. Cette tragédie (mai 1641) a fait assez de bruit, et les lettres de la cour d’Angleterre, où vous avez des amis, vous ont tenue au courant d’une si lamentable histoire. Vous vous serez peut-être étonnée que le roi Charles Ier, à qui l’habile ministre avait rendu tant et de si grands services, ait pu se résoudre à le livrer au ressentiment de ces anciens collègues en compagnie desquels il avait combattu la prérogative royale, qu’il avait ensuite abandonnés pour passer au service du prince, et qui s’étaient promis de lui faire payer cher sa trahison. Il serait un peu long de vous dire là-dessus tout ce qui peut servir à expliquer cette faiblesse étrange, la plus grande qu’eût commise encore le roi d’Angleterre, celle qui doit peser le plus à sa conscience et porter le plus de préjudice à son autorité. Ce sang versé lui fait des serviteurs méfians et des ennemis qui se sentent à jamais sous le coup de sa vengeance. Les uns désormais n’oseront plus en sa faveur rien tenter qui les expose au courroux du parlement ; les autres ne croiront jamais qu’il puisse, de bonne foi, leur pardonner l’étrange violence qu’ils lui ont faite. C’est la pensée de plusieurs d’entre eux, je le sais à n’en pas douter. En particulier, c’est celle de M. Pym, le principal adversaire de l’infortuné qu’ils appellent encore, après l’avoir fait périr, « le grand apostat, » et celui de tous les parlementaires qui a le plus de hardiesse, de talent et d’autorité, à telles enseignes qu’en maint pamphlet, rimé ou non, le « roi Pym » est opposé au roi Charles[1], comme si le véritable prince était l’homme en qui la majorité du parlement a mis toute sa confiance. M. Pym est un ancien commis supérieur aux finances (ce qu’ils appellent un clerc de l’échiquier), très versé dans la connaissance des lois et des usages parlementaires ; c’est aussi un homme de résolution et d’une merveilleuse activité. Il n’a nulle bigoterie, et les rigides de son parti l’accusent de faire trop grande part à l’esprit mondain. Ils lui reprochent d’aimer la bonne chère et de se plaire dans le commerce des dames. Je vous garantis cependant qu’il a trop d’affaires sur les bras pour accorder beaucoup d’heures à de plus doux passe-temps.

  1.  : :…How you frown
    If we but say, king Pym wears Charles’s crown.
    (The Player’s Petition.)
    They fight for the king, but they mean for king Pym.
    (New Diurnall.)
    On pourrait multiplier à l’infini de pareilles citations puisées dans les satires royalistes.