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pour refus du ship money, et quelques mois après les premiers symptômes de ces mouvemens anti-épiscopaux d’Ecosse qui, aboutissant au fameux covenant, donnèrent le signal de la révolution. Richelieu parut oublier ses anciens griefs contre le roi d’Angleterre, Il ne semblait plus se souvenir des secours apportés jadis par Buckingham aux protestans de La Rochelle, ni de l’opposition menaçante qui plus tard (1634) avait fait échouer ce fameux plan de partage en vertu duquel la France et la Hollande se distribuaient les Pays-Bas espagnols[1]. À ce moment (novembre 1637), les succès militaires de nos généraux étaient encore indécis. Les médiocres victoires que le cardinal La Valette et Schomberg remportaient, l’un dans le nord, l’autre au midi, ne semblaient point compenser aux yeux du peuple l’oppression fiscale, devenue de plus en plus lourde. Il recommençait à murmurer ; les parlemens, relevant la tête, essayaient de refuser l’enregistrement des édits bursaux ; les mécontens s’agitaient de tous côtés. Il était donc essentiel pour Richelieu de courtiser l’alliance anglaise. Les embarras naissans avec lesquels Charles Ier était aux prises lui donnaient la chance de l’obtenir. À défaut de l’alliance intime, la neutralité de l’Angleterre eût suffi au grand cardinal pour l’accomplissement d’un des projets qui lui tenaient le plus à cœur. Il s’agissait, en vertu de la ligue secrètement concertée entre la France et les Provinces-Unies, de s’emparer de toutes les places maritimes des Pays-Bas espagnols. Après avoir hésité longtemps, le prince d’Orange consentait à être de moitié dans cette entreprise hardie, qui allait anéantir jusqu’au dernier vestige de la domination espagnole chez les Flamands. L’Angleterre prêterait-elle la main à la réalisation d’une conquête qui pouvait à bon droit l’effrayer ? voudrait-elle du moins la laisser s’accomplir sans y mettre obstacle ? C’est ce que le comte d’Estrades eut mission d’éclaircir. Appuyé à regret par Henriette-Marie, qui n’aimait point Richelieu, le persécuteur de sa mère, l’ambassadeur avait de puissans motifs à faire valoir. L’issue favorable de l’entreprise chassait à jamais la marine espagnole de ces parages, où elle faisait concurrence à celle des Anglais. Ceux-ci, maîtres désormais de la mer, auraient le monopole du commerce flamand. Pendant la guerre, eux seuls fourniraient les approvisionnemens des armées belligérantes, soit des alliés, soit des Espagnols. Enfin, — et c’était la séduction sur laquelle Richelieu comptait le plus, — dans le cas où Charles accepterait l’espèce de complicité dont on lui offrait ainsi le bénéfice, le cardinal lui proposait l’aide militaire de la France contre ses sujets rebelles. À ces ouvertures conciliatrices, Charles répondit en véritable roi

  1. Conformément au traité de Paris. Voyez Lingard.