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de l’imitation en petit ? Les raisons que j’en ai données ont, je crois, leur valeur. L’exiguïté des habitations, exiguïté traditionnelle et presque nécessaire sur un sol si difficile à conquérir et à défendre, la nouvelle forme du gouvernement, les préjugés républicains, les habitudes commerciales, l’austérité de la vie de famille, les sévérités protestantes, la suppression des couvens, la transformation des églises, tout cela suffit assurément pour expliquer les dimensions démocratiques exclusivement affectées par la peinture hollandaise ; mais n’y a-t-il pas encore quelque raison cachée ? Si les peintres l’avaient bien voulu, les occasions leur essentielles manqué de produire de plus grandes œuvres et même d’en trouver l’emploi ? À défaut des églises, des couvens, des chapelles, à défaut de maisons assez considérables, de trumeaux assez larges pour y pendre de grands tableaux, n’y avait-il pas et des hôtels de ville et de vastes locaux où se réunissaient tant de nombreuses corporations ? Les exemples trop rares que nous avons cités, les coups d’essai de van der Helst et de Rembrandt ne démontrent-ils pas que, sans abandonner cette peinture de chevalet qui serait restée leur gloire, nos peintres hollandais pouvaient alors s’ouvrir une nouvelle voie, s’élever d’un degré, et se créer un genre original entre l’histoire et le simple portrait ? S’ils ne l’ont pas voulu, s’ils n’ont pas essayé davantage, j’en crois voir la raison, mais j’hésite à la dire. Quand on aime les gens, on craint de divulguer un de leurs gros défauts. Quel est donc ce secret ? Ils aimaient trop l’argent. Un certain goût de lucre naturel au pays, une sorte d’émanation de l’esprit commercial régnaient, à des degrés divers, dans tous ces ateliers. Or les petits tableaux avaient cet avantage, non-seulement de se placer partout, de convenir à tout le monde, d’être par conséquent un bon objet d’enchère, mais de se transporter à volonté, de voyager en tous pays et de remplir en quelque sorte le même rôle que la lettre de change, tandis que les grandes toiles, par leur destination spéciale, devenaient des valeurs mortes et immobilisées dont le prix relatif était nécessairement beaucoup moins rémunérateur.

On cherche de nos jours à disculper Rembrandt, à le laver de ces accusations de sordide avarice que de crédules historiens lui avaient prodiguées. Je crois qu’on a raison : on peut affirmer du moins que Rembrandt ne thésaurisait pas, puisqu’il est mort dans la misère. La passion des gravures, des statues, des tableaux, des armes, des costumes, lui fit faire des folies ; il s’endetta si bien que la vente de sa collection, faite de son vivant par autorité de justice, ne lui laissa pas de quoi vivre, pas même de quoi s’acheter un cercueil. Il n’en est pas moins vrai que dans le cours de sa vie il gagna des sommes prodigieuses, et ne cessa d’évaluer à poids d’or chaque minute de