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encore plus strictement aux moindres parties de la discipline, et pour peu qu’il y manque, on le punit avec un surcroît de sévérité. Il n’y a pas de peines disciplinaires dans les prisons intermédiaires. La plus légère infraction aux règlemens entraîne le renvoi dans une prison ordinaire. L’épreuve est si rude que plusieurs détenus ont demandé eux-mêmes à être replacés sous le régime de la contrainte. Comme encouragement, les gratifications sont plus fortes que dans la servitude pénale, et le chiffre de ces gratifications dépend en partie du degré de bonne conduite, en partie de la quantité du travail exécuté. La plus forte portion de cet argent sert à former un fonds pour aider plus tard le libéré à se procurer des moyens de travail.

À cela se joint une instruction toute pratique. C’est par un homme de haut mérite, M. Organ, que cet enseignement a été organisé. Il roule avant tout sur les connaissances qui peuvent être utiles aux condamnés à leur rentrée dans le monde. Il s’applique à les renseigner sur les colonies où ils peuvent émigrer, à leur donner de saines notions sur les rapports des maîtres et des ouvriers, à combattre enfin chez eux les erreurs qui viennent à l’appui des mauvais penchans, et encore plus à les éclairer sur leurs devoirs moraux, en leur faisant comprendre l’intérêt qu’ils ont à être honnêtes. En raison de l’âge des prisonniers, l’instruction leur est donnée sous forme de cours ; on les encourage à prendre des notes, et le samedi soir est consacré à des examens qui développent une grande émulation : les sujets traités par le professeur, et en particulier les questions morales, sont discutés pendant les heures de travail et les heures de loisir. M. Organ a eu d’ailleurs l’admirable idée d’établir un fonds de secours mutuels pour les libérés et les libérés sous condition, qui deviennent caution les uns pour les autres et sentent mieux ainsi la nécessité de l’honnêteté. Un dernier trait ne doit pas être passé sous silence. Dans la manière de traiter les prisonniers, on fait une large place au principe d’individualisation ; on étudie les caractères et on s’efforce de donner à chacun une direction en rapport avec les bonnes dispositions que la discipline antérieure a pu éveiller chez lui. J’ajouterai seulement que l’expérience a pleinement confirmé la justesse de ces principes, et que le succès a dépassé tout ce qu’on pouvait espérer. Déduction faite des résultats qui peuvent être dus à d’autres causes, il reste certain que le nombre des récidives a grandement diminué, que les préventions du public ont fait place à la confiance, et qu’en général les libérés sous condition ont prouvé par leur conduite la réalité de leur réformation. En d’autres termes, le système irlandais est en voie de démontrer que l’idée de réformer n’est point une chimère tant qu’elle s’allie sagement à l’intention de punir.


J. MILSAND.


V. DE MARS.