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fait droit dans la prochaine session au vœu de la chambre réclamant avec une manifeste unanimité le vote du budget par chapitre. Mais tout l’intérêt de la discussion devait se concentrer sur la question italienne, sur ce problème du pouvoir temporel du pape et de l’unité de l’Italie, dont la solution entraîne ou l’avortement de la révolution au-delà des Alpes, ou l’accomplissement d’une révolution religieuse.

Chose étrange, le corps législatif n’a point voulu envisager avec décision l’une et l’autre face de cette question émouvante. Le statu quo actuel n’est point tenable à Rome, personne n’oserait affirmer le contraire. Le pape n’étant plus que le possesseur nominal de Rome et du patrimoine de saint Pierre sous la protection de vingt mille Français, le pouvoir temporel pontifical n’existe plus en réalité. Il n’y a que deux partis à prendre : ou reconquérir pour le pape les provinces qui formaient autrefois les états de l’église, ou se mettre d’accord avec la réalité, être conséquent avec les principes mis en avant par la politique du gouvernement français, cesser notre intervention, évacuer Rome. Le premier parti est tellement contredit par les faits et par l’esprit de la guerre que nous avons soutenue en Italie, que personne n’ose le conseiller nettement. On sent que la France ne peut plus retirer les Romagnes, les Marches, l’Ombrie au Piémont, sans replonger l’Italie dans le désordre volcanique que nous avions eu la prétention de faire cesser en rendant l’indépendance à la péninsule. Les partisans les plus ardens du pouvoir temporel du pape ne vont pas eux-mêmes jusqu’à demander que la restauration du souverain pontife soit accomplie par les Autrichiens sous les yeux de la France. Il semblerait donc que, devant ces impossibilités, les esprits indifférens, les opinions peu convaincues de la nécessité du maintien du pouvoir temporel dussent facilement se rallier au second parti, au parti logique et pratique de l’évacuation immédiate de Rome. Loin de là, l’amendement qui exprimait cette conclusion nécessaire de notre intervention en Italie, l’amendement qui concernait l’avenir et qui suggérait une solution nette n’a réuni que cinq voix. Au contraire, l’amendement qui demandait la suppression d’un membre de phrase de l’adresse où l’on voulait voir un blâme de la politique papale, un amendement rétrospectif qui impliquait un jugement sur le passé, n’indiquait aucune solution, laissait l’avenir dans le vague, a obtenu 90 voix. Au demeurant, le corps législatif, tout en laissant voir sa préférence pour la durée de l’occupation de Rome, s’en est tenu à la continuation d’un état de choses impossible. Il n’a fourni au gouvernement aucune indication nette de la politique à suivre. Il attend les événemens en fataliste, après avoir adressé à Dieu et à l’empereur le pieux in manus tuas, Domine. Il n’est donc sorti aucune lumière de ces débats sur la conduite immédiate et future de la France. Le gouvernement aura seul la responsabilité et l’embarras de la résolution à prendre. Nous louvoierons, nous attendrons jusqu’à ce qu’un accident nous ouvre la route où nous devrons entrer.

Puisque c’est hors de France que l’accident doit se produire, il faut sortir