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l’adresse qui viennent de se terminer présentaient un attrait exceptionnel. Que de choses intéressantes n’avaient-elles pas à nous apprendre ! Où retrouverions-nous la vie politique en France après neuf ans de sommeil et de songes ? Que présager, d’après la première application, du décret du 24 novembre et de ses développemens nécessaires ? Quel parti la France voudra-t-elle suivre dans cette ère de rénovation générale qui paraît commencer pour l’Europe ?

La première de ces questions nous arrache un humble aveu. La belle au bois dormant que le décret du 24 novembre, ou pour mieux dire la révolution italienne, vient de réveiller chez nous, a quitté sa couche avec des idées et des manières qui, durant son sommeil, étaient passées de mode dans le monde des vivans. On a toujours remarqué qu’un des défauts des corps politiques est de s’accommoder difficilement au mouvement qui s’opère autour d’eux dans les idées et dans les choses. Si telle est la commune loi pour les corps politiques lors même qu’ils demeurent en communication avec la vie extérieure, qu’ils peuvent y puiser des inspirations et y réagir directement eux-mêmes, n’est-il pas naturel que nos assemblées représentatives aient dû, dans les circonstances où elles étaient placées, s’immobiliser dans une sorte de vétusté intellectuelle ? Elles partageaient notre sort commun. Les ressorts ordinaires qui renouvellent la vie politique dans un pays étaient arrêté, aussi bien pour elles que pour nous. Plus d’initiative et d’activité dans la presse ! Pas de communications entre l’opinion publique et les chambres au moyen de la reproduction des discours et de la participation des journaux aux discussions parlementaires ! Plus d’action directe sur la politique du gouvernement, et principalement sur sa politique extérieure ! L’action qui mêle les hommes et les modifie sans cesse par leur mutuel contact faisant défaut, chacun se cloîtrait dans sa petite Chine, sans laisser assouplir et façonner ses idées par les événemens et les idées d’alentour. Nous sommes convaincus que toute responsabilité entraîne avec elle des grâces d’état. Là où la responsabilité cesse avec l’action, ces grâces particulières sont bientôt évanouies. L’intelligence se rétrécit, la sagacité s’émousse ; il ne reste bientôt plus rien qu’une obstination sénile. Nous avons avoué avec franchise la fâcheuse influence que cette stagnation forcée avait exercée sur une fraction autrefois importante du parti libéral, sur des hommes que nous aimons et que nous respectons. Les discussions de l’adresse ont prouvé qu’à bien peu d’exceptions près, on est dans tous les camps devenu tardigrade. L’éducation politique s’était arrêtée, et la première manifestation de notre vie publique, observée avec une attentive curiosité par les étrangers, nous a montrés singulièrement arriérés. Nous nous sommes réveillés tels que nous nous étions endormis ; nous avons donné à l’Europe en 1861 l’exhibition d’hommes de 1851. Où se sont montrées l’énergie, la passion ? Au sénat, au corps législatif, dans ce qu’il y a de plus vieux, de plus usé, de plus contradictoire à l’état actuel de l’Europe en fait d’in-