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rapports des consuls de la Turquie d’Asie que j’ai déjà interrogés, ceux de Jérusalem et d’Alep ; j’y joindrai celui de Smyrne. écoutons d’abord le consul de Jérusalem, M. James Finn.

M. Bulwer demandait, dans la sixième question, « si, dans les villages chrétiens, les paysans chrétiens sont généralement aussi à leur aise que les musulmans, et si ce n’est pas, à quoi tient la différence ? » Et dans la huitième question : « La population chrétienne est-elle en général plus à son aise, plus considérée et mieux traitée qu’elle l’était il y a cinq, dix, quinze ou vingt ans auparavant ? » M. Finn répond à la sixième question : « Il y a bien plus d’activité et d’esprit d’entreprise chez les paysans chrétiens que chez les paysans musulmans, et les effets s’en font voir dans leurs maisons, dans leurs vêtemens et dans leur nourriture,. » Il répond à la huitième question qu’il faut distinguer plusieurs périodes différentes dans la condition des chrétiens de son consulat : « Avant l’occupation égyptienne, la condition des chrétiens était la plus basse et la plus dégradée qu’il soit possible d’imaginer. Pendant l’occupation égyptienne, les chrétiens avaient plus de liberté et de bien-être qu’aujourd’hui. Il y eut une réaction en faveur des musulmans après l’expulsion des Égyptiens. Cependant cette réaction fut tempérée par l’influence croissante des consuls et des Européens en général. Pendant la guerre de Russie, la condition des chrétiens s’améliora, et il y eut plusieurs exemples de chrétiens qui se conduisirent insolemment envers les chefs musulmans, parce qu’ils s’appuyaient sur les consuls européens. Depuis la guerre, il y a eu une autre réaction, sous beaucoup de rapports anti-chrétienne, et de la part des gouverneurs anti-européenne. » Que de remarques à faire sur ces curieuses paroles ! Je les résume en quelques mots. Toutes les fois que les chrétiens d’Orient ont été laissés à la merci de l’administration turque toute pure, leur sort a été déplorable. Toutes les fois que l’administration turque a été contrôlée et contenue par l’intervention ou seulement par l’influence des Européens, leur condition s’est améliorée et adoucie. Avant l’occupation des Égyptiens, la condition des chrétiens en Syrie et en Palestine est la plus triste du monde : c’est que l’administration turque est livrée à elle-même. Arrivent les Égyptiens. Ceux-ci représentent jusqu’à un certain point l’Europe ou l’influence européenne, et, pourquoi ne le dirions-nous pas ? l’influence française. Les chrétiens ont plus de liberté et de bien-être ; ce n’est pas un consul français qui le dit, c’est le consul anglais, c’est M. Finn. Les Égyptiens sont expulsés ; l’influence française est vaincue avec eux. en Orient par une coalition européenne, faite par deux haines étourdies et violentes contre la France, celle de lord Palmerston et celle de l’empereur Nicolas contre la dynastie d’Orléans : à l’instant, les musulmans reprennent en Orient contre les