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sont ceux qui se trompent, ceux qui sont sur les lieux et qui voient de près les choses et les hommes de l’administration turque, ou ceux qui sont à Londres et qui probablement n’ont pas lu l’enquête confidentielle printed for the use of the foreign office. Comment croire en effet que si les ministres anglais avaient lu les rapports de leurs consuls, ils parleraient comme ils parlent. Comment penser que, sachant ce que disent leurs consuls ; sachant par conséquent l’impuissance de l’administration turque, sa mauvaise volonté et sa mauvaise foi, ils puissent prendre sur eux de dire à l’Europe : Laissez la Syrie aux Turcs, fiez-vous à leur pouvoir et à leur vouloir pour assurer la sécurité des chrétiens, pour empêcher les massacres de recommencer ? Un pareil engagement pris au nom de l’Angleterre, en face de l’Europe, aurait déjà de quoi faire trembler, quand bien même tous les consuls anglais témoigneraient de la force et de la justice de la Porte-Ottomane dans la Turquie d’Asie ; mais quand ils témoignent contre, quand leurs rapports sont sous les yeux des ministres anglais, qui peuvent, il est vrai, ne point les lire, afin de ne pas se troubler l’esprit, que penser et que dire du langage de ces ministres ? Nous trouvons tout naturel qu’ils se défient du rapport des agens français sur l’état de la Syrie et de l’Orient ; mais pourquoi se défier du rapport des agens anglais ? Pourquoi parler contre leurs témoignages ? Pourquoi laisser croire au monde que la diplomatie anglaise en Orient n’a plus ni yeux, ni oreilles ? Non, les consuls anglais en Orient ont, malgré leurs préjugés antifrançais, les yeux clairvoyans, les oreilles équitables, et cette langue sincère que donnent la conscience du devoir et l’amour de la vérité. C’est à Londres, c’est dans le cabinet anglais que sont les, aveugles et les sourds volontaires.

Voici d’abord quelques-unes des réponses que fait le consul anglais de Jérusalem, M. James Finn[1], lorsque l’administration est bonne ou seulement médiocre, aux questions de sir Henri Bulwer : « A considérer la régularité de l’administration, le développement de la richesse publique et privée, les moyens de communication, la province est bien en arrière des pays de l’Europe, et même, autant que je puis le savoir, en arrière de l’Égypte, quoique la population rurale y soit plus forte et plus riche que celle de l’Égypte. Les frontières orientales et méridionales sont dévastées par les Bédouins, qui sont devenus plus insolens et plus redoutables dans ces derniers temps. Cependant ils sont fort lâches, et on pourrait aisément les repousser. La Palestine se dépeuple sérieusement, et il y a de vastes espaces autrefois cultivés qui se changent en désert. »

  1. 17 juillet 1860.