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cela que sur une petite échelle ; mais nous avons d’amples raisons pour conclure que la même opération, si elle était conduite dans le grand laboratoire de la nature, aboutirait au même effet.

« Et finalement nous sommes capables de vérifier le résultat même sur cette grande échelle. Le cas est un de ces cas rares où la nature fait l’expérience pour nous de la même manière que nous la ferions nous-mêmes, c’est-à-dire en introduisant dans l’état antérieur des choses une circonstance nouvelle, unique et parfaitement définie, et en manifestant l’effet si rapidement, que le temps manquerait pour tout autre changement considérable dans les circonstances antérieures. On a observé que la rosée ne se dépose jamais abondamment dans des endroits fort abrités contre le ciel ouvert, et point du tout dans les nuits nuageuses, mais que, si les nuages s’écartent, fût-ce pour quelques minutes seulement, de façon à laisser une ouverture, la rosée commence à se déposer, et va en augmentant. Ici il est complètement prouvé que la présence ou l’absence d’une communication non interrompue avec le ciel cause la présence ou l’absence de la rosée ; mais puisqu’un ciel clair n’est que l’absence des nuages, et que les nuages, comme tous les corps entre lesquels et un objet donné il n’y a rien qu’un fluide électrique, ont cette propriété connue, qu’ils tendent à élever ou à maintenir la température de la surface de l’objet en rayonnant vers lui de la chaleur, nous voyons à l’instant que la retraite des nuages refroidira la surface. Ainsi, dans ce cas, la nature ayant produit un changement dans l’antécédent par des moyens connus et définis, le conséquent suit et doit suivre : expérience naturelle conforme aux règles de la méthode de différence. »


VII

— Parfaitement clair et solide ; mais ce ne sont pas là tous les procédés des sciences.

— Attendez ; ce sont ceux-ci qui mènent aux autres. Vous allez voir comme chez Mill tout s’enchaîne. Il n’y a pas d’esprit plus rigoureux. Sans doute ces procédés d’isolement en beaucoup de cas sont impuissans, et ces cas sont ceux où l’effet, étant produit par un concours de causes, ne peut être divisé en ses élémens. Les méthodes d’isolement sont alors impraticables. Nous ne pouvons plus éliminer, et par conséquent nous -ne pouvons plus induire. Et cette difficulté si grave se rencontre dans presque tous les cas du mouvement, car presque tout mouvement est l’effet d’un concours de forces, et les effets respectifs des diverses forces se trouvent en lui mêlés à un tel point qu’on ne peut les séparer sans le détruire, en sorte qu’il semble impossible de savoir quelle part chaque force a dans la production de ce mouvement. Prenez un corps sollicité par deux forces dont les directions font un angle, il se meut suivant la diagonale ; chaque partie, chaque moment, chaque position, chaque élément de son mouvement est l’effet combiné