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étroite. On est porté à croire qu’il s’agit uniquement des échanges commerciaux avec l’étranger, d’un simple remaniement de tarifs tendant à restreindre plus ou moins les profits des manufacturiers. Le principe ayant été tranché d’autorité chez nous, une sorte de polémique sur les détails d’exécution se poursuit, mais sourdement, sans cette émotion communicative qui force le public à écouter et à réfléchir. La multitude, observée à ses divers étages, laisse voir une, telle inintelligence des innovations récemment introduites, qu’on pourrait la croire désintéressée dans la question. Quelquefois seulement on rencontre des gens qui demandent avec l’air du désenchantement pourquoi l’on ne voit pas baisser plus vite les prix des sucres, du charbon de terre et des lainages, et puis c’est tout.

Le public français ne refuserait certainement pas à la réforme entreprise le degré d’attention qu’elle mérite, s’il en pouvait mesurer la portée sociale et politique. Il y aurait donc à lui montrer que le libre échange n’est pas seulement un problème de législation douanière, mais qu’il implique une refonte du régime commercial, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et qu’il y conduit nécessairement, que c’est en un mot la restitution faite à l’individu de sa liberté dans l’exercice de son travail et dans l’échange de ses services contre les services d’autrui. Ceci étant admis, il deviendrait facile d’expliquer comment les anciennes conceptions politiques en matière d’administration et de droit international doivent se modifier sous l’influence du principe nouveau ; mais, dans une démonstration de ce genre, on aurait tort de procéder par des raisonnemens abstraits : trop de gens affecteraient de ne pas les comprendre pour en dénaturer l’intention.

Une grande expérience entreprise depuis quarante ans chez nos voisins est à peu près terminée : appliquons-nous d’abord à en constater les résultats. Tenons-nous-en pour aujourd’hui à exposer comment, sous l’influence de la réforme économique, il s’est produit une Angleterre tout autre que celle qui existait au commencement du siècle, et bien préférable assurément. Qu’après avoir étudié ce mouvement de transformation, qui est peut-être le plus grand phénomène politique de notre âge, chacun se demande si l’immobilité serait encore possible dans les autres pays, et si la réforme essayée chez nous, au milieu d’un calme semblable à de l’insouciance, ne mériterait pas au contraire une attention passionnée.

I. — pitt.

Deux erreurs de fait, passées à l’état de lieux-communs, forment le principal argument des adversaires de la liberté commerciale. —