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que l’homme : partout nous avons vu qu’elles étaient en contradiction avec ces faits et ces lois. Ce résultat a été une nouvelle preuve, indirecte, mais non moins réelle, de la vérité de notre doctrine.

Dans tout le cours de cette étude, nous croyons n’avoir pas dévié un seul instant de la route indiquée au début. Homme de science, c’est à la science seule que nous avons demandé des argumens en faveur de ce que nous regardons comme la vérité. La botanique, la zoologie, la physiologie, la statistique médicale, la géographie zoologique nous ont fourni les principaux : pour répondre à une dernière objection, nous avons dû avoir recours à la géographie proprement dite, à la physique générale du globe, à l’histoire ; mais pas une fois nous n’avons appelé à notre aide les considérations tirées de la morale, de la religion, de la philosophie. Est-ce à dire que nous ne comprenions pas combien la discussion actuelle touche de près à toutes celles que poursuivent ces nobles sœurs des sciences naturelles et physiques ? Certes non. Bien des fois, en présence des conséquences de tout ordre qui s’offraient à notre esprit, nous avons eu peine à ne pas les faire ressortir ; bien souvent nous avons dû rayer des mots, des phrases involontairement tracées. C’est qu’il était difficile, impossible sans doute, d’aborder ces côtés de la question sans réveiller des préjugés, des passions qui l’ont trop souvent obscurcie ; c’est que, traitant un sujet qui avant tout est du domaine des sciences naturelles, nous avons voulu rester exclusivement naturaliste, afin d’avoir le droit de parler à tout le monde et d’amener les partisans des doctrines les plus opposées sur un terrain que personne, quels que soient ses instincts ou ses croyances, n’a aujourd’hui le droit de refuser, et sur lequel il nous semble impossible de ne pas tomber d’accord.

Aurons-nous réussi ? Aurons-nous porté la conviction qui nous anime dans l’esprit de quelques-uns de nos anciens contradicteurs ? Nous le désirons plus que nous n’osons l’espérer ; il nous est du moins permis de croire que ceux-là mêmes dont les opinions sont le plus contraires aux nôtres seront forcés de convenir que le monogénisme est une croyance raisonnable ayant des fondemens autres que ceux qu’on trouve en dehors des sciences proprement dites. Il nous est surtout permis de penser que les hommes sans parti-pris, sans préjugés, comprendront mieux encore cette vérité et qu’ils n’hésiteront pas à se ranger avec nous sous la bannière qu’ont hautement arborée les Linné, les Buffon, les Cuvier, les Müller, les Humboldt.

A. de Quatrefages.