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De l’ensemble des considérations que nous ne pouvons qu’indiquer ici[1], il résulte que l’Amérique a pu se peupler par des hommes venant du dehors, que ces hommes ont dû être surtout des Asiatiques appartenant aux races qui occupaient les côtes de la Chine, du Japon et des terres qui s’étendent jusqu’au détroit de Behring, que des races blanches européennes ont pu pénétrer de même en Amérique, mais avec plus de difficulté, et par conséquent en nombre moins considérable, enfin que les populations africaines ont pu entrer pour une part, mais une part nécessairement très faible, et sans doute toujours involontairement, dans cette immigration. Les faits s’accordent-ils avec ces possibilités qui ressortent de la vue du moindre atlas de géographie, mais surtout de l’étude des belles cartes dues à M. de Kerhallet[2] ? C’est ce que nous allons rapidement examiner.

Et d’abord, pour ce qui concerne le détroit de Behring et la chaîne des îles Aléoutiennes, nous avons à citer une preuve frappante de la facilité qu’ils offrent aux communications. Les Tchouktchis, cette population si différente de toutes les races placées si haut vers les pôles, étaient naguère campés à la fois en Asie et en Amérique sur les rivages opposés ; ils occupent encore une partie des deux côtes[3]. Il faut bien qu’ils aient passé de l’une à l’autre. Parfois ils se visitent réciproquement pour traiter quelques affaires. À lui seul, cet exemple suffirait pour montrer comment l’ancien continent a pu verser dans le nouveau une partie de sa population. Or les races qui habitent les îles et les rivages asiatiques dont il s’agit sont loin d’être homogènes. On y rencontre, à côté des populations mongoles, qui dominent en nombre, d’autres populations dans lesquelles l’élément blanc est pur ou presque pur[4]. Ces mêmes régions possèdent la race la plus velue, la plus barbue peut-être, du globe entier, celle des Aïnos. Cette race est aussi remarquable par ses qualités

  1. Sur toutes les questions relatives aux lois qui règlent l’ensemble des vents et des courans maritimes, le lecteur consultera avec autant de plaisir que d’utilité l’ouvrage de M. Félix Julien, lieutenant de vaisseau, dans lequel l’auteur résume tout ce que nous ont appris les études si importantes du commandant Maury, des États-Unis, et les recherches les plus récentes sur la physique générale du globe (Courans et Révolutions de l’atmosphère et de la mer).
  2. On consultera surtout avec fruit les deux cartes reproduites dans les Considérations générales sur l’Océan-Pacifique.
  3. Les Tchouktchis asiatiques se sont depuis avancés vers le nord et occupent aujourd’hui les plages occidentales du détroit de Behring, dont ils ont chassé ou détruit les anciens habitans.
  4. Les hautes castes japonaises, qui représentent les conquérans de ce pays, ont à un haut degré tous les caractères de certaines races blanches. Les Tchouktchis eux-mêmes rappellent d’une manière étrange à la fois les races blanches et les peaux-rouges des États-Unis.