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on peut adresser au monogénisme quelques-unes des objections qu’on lui oppose avec le plus d’assurance. Nott et Gliddon ont consacré un long et fort intéressant chapitre à l’histoire physique des Juifs observés dans diverses parties du monde. Ils cherchent à démontrer que cette population est restée partout la même. Certes, pour prouver le contraire, il n’est pas besoin d’autres témoignages que ceux qu’ils rapportent eux-mêmes. Un de leurs correspondans leur déclare que la couleur des yeux et de la peau varie beaucoup des Juifs du nord à ceux du midi, et que les Juifs septentrionaux diffèrent autant des méridionaux que les familles anglaises restées en Angleterre diffèrent de celles qui ont émigré en Amérique ; comme nous, il attribue ces modifications à l’action du climat[1]. Un autre, cherchant à distinguer les Juifs noirs des Juifs blancs de Cochin, représente ces derniers comme étant de couleur très foncée, sans être pourtant absolument noirs. En réalité, à quoi aboutit toute l’argumentation des auteurs américains, si l’on admet sans exception tous les faits avancés par eux ? A deux choses très distinctes : d’abord que les Juifs ne se ressemblent pas, qu’ils ont subi l’action des milieux divers auxquels ils ont été soumis, « comme les Caucasiens transportés pendant plusieurs générations dans des climats différens[2], conclusion en désaccord complet avec les doctrines polygénistes ; » ensuite que, malgré un séjour de dix siècles sous le ciel de l’Inde, ils ne se sont pas transformés en véritables Hindous, conséquence que nous acceptons sans difficulté. Il est vrai que Nott et Gliddon en tirent un argument en faveur de la multiplicité des espèces ; mais cette objection ressemble à celle qu’on nous opposait à nous-même, et qui peut se formuler ainsi : « Depuis trois siècles qu’il y a aux États-Unis des blancs et des nègres soumis aux mêmes actions de milieu, ils ne sont pas devenus pareils ; ni les uns ni les autres ne se sont transformés en peaux-rouges, et cette transformation n’aura jamais lieu. » Il est aisé de répondre à ces deux objections.

Remarquons d’abord que telle n’est pas, au moins pour le teint, l’opinion de l’auteur d’un travail publié dans ce recueil même,

  1. En lisant cette lettre, on se demande comment il est possible que les auteurs américains la citent à l’appui de leurs opinions. On ne peut expliquer ce fait que par une phrase placée en tête de cet écrit, et dans laquelle l’auteur déclare que tous les Juifs ont des traits identiques. Quels sont ces traits si caractéristiques ? Bien entendu on ne les précise pas. La chose est en effet fort difficile. Camper, dont l’habileté comme dessinateur est si connue, qui toute sa vie s’est occupé de questions de ce genre, déclare avoir vainement cherché à préciser le caractère de la tête juive. Dans mes divers séjours en Alsace, je n’ai pas été plus heureux que Camper, pas plus heureux que Pickering, qui trouva dans la population juive de Bombay une variété inattendue de traits, de teint et de costumes.
  2. Expression d’un des correspondans de Nott et Gliddon.