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jours, et encore prit-elle deux jours de repos à Marcellinara et autant à Catanzaro[1]. Malgré ces fatigues, l’ardeur des soldats était telle que Sirtori, chef de l’état-major général, fut obligé de la modérer par un ordre du jour[2]. Nous pouvons dire sans exagération que nous avons traversé les Calabres et la Basilicate au pas de course.

Quoi qu’il en soit, Cardarelli, par sa capitulation, s’engageait sur son honneur militaire à ne plus prendre les armes contre « la cause de l’unité de l’Italie, du roi Victor-Emmanuel, du dictateur Garibaldi, de ses soldats et des gardes civiques mobilisées de toutes les provinces du continent napolitain et de la Sicile. » Il s’engageait en outre à se rendre et à rester à Salerne ; ses étapes étaient prévues et indiquées, avec leurs jours de repos ; il partait avec armes et bagages, ne laissant à l’insurrection que trois cents fusils mis en dépôt au quartier de Sainte-Thérèse. Par le fait de cette capitulation, notre expédition des Calabres devenait une simple promenade militaire, fatigante il est vrai, mais sans dangers. La route nous était ouverte, non pas jusqu’à Naples, mais jusqu’à Salerne, car chacun de nous croyait fermement alors que le roi François II viendrait à la tête de son armée, de ses Suisses et de ses Bavarois, sur la fidélité desquels on fondait bruyamment tant d’espérances, nous attendre lui-même dans les plaines de Salerne et nous disputer chaudement l’entrée de sa capitale. Le repos ordonné à nos soldats confirmait encore cette prévision, et nous pensions que Garibaldi rassemblerait toutes ses troupes soit à Cosenza, soit à Lagonegro, pour aller avec de meilleures chances livrer bataille à la monarchie.

Ce fut à Soveria même, après la capitulation, que Garibaldi reçut des mains de M. La Cecilia une lettre écrite par ordre du roi François II et datée du 27 août. Par cette lettre, le roi offrait au dictateur, à la condition qu’il ne chercherait pas à renverser le gouvernement bourbonien, — l’abandon de la Sicile, qui serait appelée à décider elle-même de son sort par le suffrage universel ; — le passage libre pour lui et son armée sur les terres napolitaines, mais sans traverser Naples ; — 3 millions de ducats comptans ; — la coopération

  1. Les vetturini mettent dix jours pour aller de Naples à Reggio.
  2. « Le moment de combattre viendra pour tous, et alors ceux qui croyaient rester les derniers se trouveront les premiers au combat. Le désir d’être au premier rang à la bataille est très louable chez le soldat ; mais le sentiment du devoir, qui le retient à son poste quoi qu’il arrive, obéissant à quelque ordre que ce soit, est plus honorable encore. Ce n’est point pour vous distinguer que vous êtes ici sous les drapeaux, c’est pour servir la patrie, quelques sacrifices que la patrie réclame. Vous êtes prêts à donner votre sang pour elle : ne pouvez-vous donc pas lui sacrifier les impulsions d’un amour-propre nécessaire ? Ce n’est pas là de la vertu. Ce n’est pas l’amour-propre qui accomplit les grandes entreprises. Soldats ! souvenez-vous que le sacrifice de l’amour-propre vaut mieux que le sacrifice de la vie ! — Sirtori. »