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de lettres officielles, où le timbre-poste imprimé porte, autour de la vénérable tête de Washington, ces mots en grosses lettres : three cents, trois sous. Le service des postes n’est pas un des moins curieux établissemens de la Californie. C’est lui qui, favorisant la propagation des idées, emporte dans toutes les directions, et au plus bas prix, des montagnes de brochures et de journaux destinés aux steamers qui se rendent en Europe ou sur divers points de l’Amérique. Les sacs de cuir contenant lettres et paquets occupent souvent plus de place que tous les bagages de huit ou neuf cents passagers. À la poste de San-Francisco, il y a des agens spéciaux pour les lettres françaises, allemandes, espagnoles et chinoises. Dans l’intérieur de la Californie, le même bureau de poste fait quelquefois les trois services, le service public de l’état et le service privé des deux principales compagnies d’express. On met littéralement les lettres au pillage à leur arrivée. Elles sont étalées sur une table, et passent, avec les journaux, sous les yeux et dans les mains de tous les oisifs que la venue du courrier amène chaque fois. Les Chinois, avec leurs signes hiéroglyphiques, doivent indiquer aussi, pour l’intérieur, la suscription en lettres connues, c’est-à-dire en anglais, au moins pour le nom du bureau de poste. Immobiles dans leurs vieilles habitudes, ils emploient toujours leur papier de riz, et tracent leurs lettres avec un pinceau. Cependant ils plient leurs missives, et consentent même à les mettre sous enveloppe. Dans le pillage qui accueille les lettres à leur distribution, ils se retrouvent comme ils peuvent. Le directeur bénévole laisse à la bonne foi souvent douteuse de John le soin de respecter les lettres adressées à ses compatriotes.

À ses routes, ses chemins de fer, sa navigation à vapeur et à voiles, son Service postal, la Californie ne pouvait manquer d’ajouter la télégraphie électrique. Ce service est des mieux établis. Il y a trois lignes qui desservent une longueur totale de plus de 1,000 milles, soit 1,609 kilomètres, y compris les embranchemens. Les trois compagnies qui exploitent ces lignes sont : la Compagnie de l’État, organisée dès 1852, et qui met en communication San-Francisco avec les principales villes de l’intérieur ; la Compagnie Alta, qui réunit San-Francisco avec la plupart des villes du centre et même des camps de mineurs ; enfin la Compagnie du Nord, qui unit Marysville avec tous les centres du nord de l’état jusqu’à la limite de la Californie. Deux autres compagnies ont été organisées en 1858. La première, la Compagnie Humbold, doit joindre Placerville avec le Lac-Salé par Carson-Valley, et du Lac-Salé elle se propose de s’étendre jusqu’à Saint-Louis, où elle se soudera à toutes les lignes télégraphiques de l’Union dans les états de l’est. La seconde, la Compagnie Pacifique et Atlantique, se propose de mettre d’abord San-Francisco en relation avec San-Antonio dans le Texas, en passant par Los Angeles ; elle doit prendre ensuite la route de la grande malle, de terre, et aura comme elle Memphis pour dernière station. Les travaux de cette ligne, activement poussés en 1859-60, permettent déjà de recevoir