Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/575

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au Mexique depuis 1822. La ville d’Acapulco est située dans une délicieuse position, mais la guerre de l’indépendance l’a ruinée, et la fièvre décime la population. C’était, sous la domination espagnole, un port assez commerçant. Aujourd’hui, quand le vapeur jette l’ancre devant Acapulco, des négrillons montés sur des pirogues et des Indiens à moitié nus apparaissent comme par enchantement. Ils offrent au passager des ananas, des oranges, des régimes entiers de bananes, des colliers et des paniers faits de coquillages, enfin toutes les séductions des tropiques. Les voyageurs peuvent du reste descendre à terre et visiter la ville, en bravant, il est vrai, un coup de soleil. Les maisons sont basses et sans étages, pour résister aux tremblemens de terre. Par une fenêtre ou une porte entr’ouverte, on aperçoit souvent, mollement balancée sur son hamac, une brune Mexicaine aux belles épaules, se livrant aux douceurs de la sieste. La ville semble parée pour ce jour-là, et dans la rue principale, comme sur le bord du rivage, des marchands en plein vent établis sur une longue file cherchent à attirer le passager débarqué pour quelques heures. Le bruit du canon annonce le départ comme l’arrivée. Pas de douane, pas de police, aucune visite d’officier mexicain. L’Américain est là comme chez lui ; on dirait que le Mexique lui appartient déjà et qu’il n’y souffre que par complaisance la race espagnole. Lorsqu’on arrive à Panama, c’est mieux encore. À peine le vapeur est-il signalé que la locomotive chauffe, et qu’un train express se prépare. Les Américains ont leur quai où ils abordent, et au coup de sifflet de la locomotive Panama disparaît, à peine aperçu par le voyageur. En moins de quatre heures, on arrive à Aspinwall, que les Américains persistent à ne pas appeler Colon. Le nom espagnol du grand navigateur qui le premier a touché ces parages a dû faire place au nom du banquier yankee qui a créé la ville moderne, et il n’y a plus que les Néo-Grenadins, auxquels appartient encore la ville, qui veulent bien l’appeler de son nom officiel de Colon. À Aspinwall, le chemin de fer arrive jusqu’au quai, où malles et voyageurs s’embarquent à nouveau. Le navire, que le télégraphe a prévenu de Panama, est sous vapeur, et l’on repart sans délai, recueillant quelques nouveaux voyageurs venus des Antilles ou de l’Amérique du Sud. On ne s’arrête plus qu’à La Havane, et l’on fait en huit ou dix jours les 2,200 milles qui séparent Aspinwall de New-York. Comme sur le Pacifique, les steamers sont splendides de luxe et de décors, et les dimensions en sont gigantesques, surtout dans les vapeurs de la compagnie Vanderbilt.

Sur tous les steamers américains, et quoi qu’on ait pu écrire en France à ce sujet, les appareils à vapeur sont toujours dans de bonnes conditions d’installation et d’entretien ; ils doivent avoir été préalablement éprouvés et autorisés. Néanmoins l’un des vapeurs qui faisait en 1859 le service de San-Francisco à Stockton, le Bragdon, jouissait d’une réputation si mauvaise pour l’état de ses chaudières, que peu de passagers s’y embarquaient. Le hasard ayant fait que ce vapeur m’était toujours échu, je pris des informations,