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vivre. Plus d’un symptôme néanmoins vient attester de temps à autre que le cabinet de Madrid est peut-être loin d’avoir une situation aussi forte que semblerait l’indiquer l’ascendant naturel de son chef. Pour tout dire, après deux ans, la politique de l’union libérale en est encore à chercher son équilibre entre les partis ; elle a toujours à compter dans les chambres avec une majorité très complexe, quoique habituellement docile, et qu’il n’est vraiment pas aisé de maintenir intacte. On vient de le voir récemment dans une des plus sérieuses discussions du congrès. Il s’agissait d’une loi sur l’organisation provinciale, destinée à réformer les lois organiques de 1845. Aussitôt les dissidences ont éclaté dans le sein même de la majorité et se sont manifestées par une pluie d’amendemens ; il n’y en a pas eu moins de deux cents. Bien des progressistes qui appuient le ministère ont trouvé que le gouvernement faisait une trop large part aux idées de centralisation, et de là une guerre assez vive dirigée contre le projet soutenu par le ministre de l’intérieur, M. Posada Herrera. Ce conflit d’opinions est passé jusque dans le cabinet, où les scrupules des progressistes ministériels ont trouvé des organes, notamment, dit-on, le ministre de la marine, le général Zavala, et de cette laborieuse discussion a fini par naître une crise heureusement apaisée par des explications, sans doute aussi par une intervention pacificatrice du président du conseil. Cette crise ne semble pas avoir été très grave, il est vrai ; elle est seulement le signe de cette situation où vit le ministère espagnol, qui est toujours exposé à froisser quelques-uns de ses amis, s’il essaie de marcher, et qui risque bien plus encore de mécontenter tout le monde, s’il ne fait rien. Les progressistes ralliés cherchent à l’attirer dans leur camp, les modérés à leur tour s’efforcent de l’entraîner dans le sens conservateur, et entre ces deux tendances il est réduit souvent à louvoyer, tenant surtout sa force de l’autorité prépondérante du général O’Donnell et de la faiblesse de ses adversaires, qui essaient vainement de le surprendre dans quelqu’une de ses défaillances. Ces conditions n’ont rien de surprenant jusqu’ici sans doute ; elles tiennent aux crises prolongées qui ont agité l’Espagne et à la décomposition de tous les partis. Le général O’Donnell ne peut faire qu’il y ait aujourd’hui au-delà des Pyrénées un parti uni, compacte, sur lequel il puisse s’appuyer, et se tournât-il entièrement vers les progressistes ou vers les conservateurs, il ne trouverait pas davantage l’union qui fait les pouvoirs forts. Le moment n’est-il pas venu pour lui cependant, s’il veut affermir la situation actuelle, de tenter d’une façon plus décisive et plus efficace cette fusion de tous les libéraux espagnols sous le drapeau d’une politique qui fixe une majorité flottante par l’autorité d’une initiative intelligente et résolue ?

Cette indécision de système ou de conduite, inséparable peut-être de la situation des choses au-delà des Pyrénées, n’est point d’ailleurs sans se manifester même dans les questions de politique extérieure qui offrent un intérêt naturel pour l’Espagne. Quelle est notamment la politique espagnole dans ce grand débat des affaires d’Italie où tous les peuples prennent couleur,