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mieux aimé voir le prince Napoléon se livrer plus franchement aux tendances libérales qu’on lui prête et les appliquer aussi vivement à la politique intérieure qu’à la politique extérieure du pays. De même, si nous nous expliquons l’emportement auquel cèdent les catholiques, nous ne pouvons l’approuver. La véhémence est le ton de leurs brochures comme de leurs discours. Hier c’était M. Veuillot reprenant une plume qui n’a été que trop funeste à sa cause ; aujourd’hui c’est un autre écrivain ardent, M. Crétineau-Joly, qui, dans un écrit intitulé la Cour de Rome et le Vicaire Savoyarv, apporte à ses amis le secours tardif de ses plaintes. Les orateurs du corps législatif ont fait, eux aussi, des excès de déclamation. Cependant ils ont laissé voir quelques symptômes de l’esprit qui doit finir par prévaloir à l’issue de ces luttes. Ces orateurs se sont souvenus qu’il existe en France une loi de sûreté générale dont la pensée devrait rendre la France plus indulgente envers les gouvernemens dont elle blâme la législation politique. Ils se sont aperçus que l’état de la presse n’est point favorable à la représentation des opinions qui ont à faire appel à l’esprit public. Ils semblent être peu éloignés de comprendre que la liberté est une bonne chose pour tout le monde, puisque chacun à son tour peut avoir besoin d’elle. Il y a dans les institutions libérales entièrement et sincèrement pratiquées une vertu qu’il faudra finir par reconnaître. Cette vertu, c’est une franchise, une loyauté naturelle qui enlève le droit de se plaindre aux opinions qui n’ont pas pu prévaloir dans les résolutions de la politique du pays, qui permet à ces opinions de s’incliner honorablement devant la volonté de la majorité après que toutes les ressources de la discussion ont été épuisées par elles. Grâce à ces institutions, la pensée et la volonté du pays sont associées à tous les actes de la politique. Il y aurait un grave écueil pour la paix des esprits dans notre vie intérieure, si, comme on le voit par cette question romaine, les opinions ne pouvaient agir avant les événemens et se trouvaient réduites à n’exprimer après le fait accompli que des congratulations superflues ou des plaintes impuissantes. On ne ramènera la paix dans les esprits à l’intérieur, on n’y rendra possibles la résignation, la conciliation, le jeu modéré et l’équilibre des opinions, qu’en accomplissant des progrès nouveaux et décisifs dans la voie plus indiquée encore qu’ouverte par le décret du 24 novembre.

Quant au côté pratique de la question qui soulève ces grandes luttes, quant au dénoûment de la question romaine, les discussions des chambres n’en ont point percé encore l’obscurité. Que la France rétablisse l’autorité du pape dans les états qui lui ont été enlevés, personne n’a osé le demander nettement, personne ne le croit plus possible. Au point où les choses en sont venues, n’est-il pas manifeste que la France ne peut pas tourner ses armes contre les Italiens et prendre sur elle la responsabilité de reconstituer arbitrairement une Italie différente de celle que veulent les Italiens ? Que veulent donc ceux qui affichent une hostilité aussi aveugle que stérile contre l’Italie nouvelle ? Nous qui ne sommes pour rien dans les procédés