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Sans que rien altérât l’éclat de leurs couleurs,
Elles tombaient à peine écloses. »

L’attention rida les figures moroses.

« Les feuilles que le vent jette au front de l’hiver
Tombent moins brusquement que ces roses sans nombre,
Et cependant un souffle à peine errait dans l’air
Où le jour tiède embrassait l’ombre. »

Un murmure courut dans l’auditoire sombre.

« Sur de riches coussins une fille de roi
D’un jeune homme accueillait la parole empressée.
Il fléchit le genou ; l’enfant rougit. Pourquoi ?
Sans doute elle était courroucée. »

 — Comme le sommeil trouble une jeune pensée !

« Mais la belle frissonne et sourit tristement.
Ses yeux changent de teinte, inconstantes opales ;
Elle voulait parler, mais un tressaillement
Errait seul sur ses lèvres pâles ! »

 — Adieu, lèvres et fleurs, éphémères rivales !

« A défaut de parole, elle tendit la main,
Et ce fut tout ; l’enfant n’était plus assez forte ;
Son bras semblait de marbre et restait en chemin.
La vierge aux roses était morte. »

 — Amis, il faut veiller, la mort frappe à la porte.

« Le jeune homme se lève, et dans ses bras soudain
Il emporte le corps dont la tête retombe,
Puis il l’ensevelit dans un secret jardin,
Où des roses jonchent la tombe. »

 — Que la tombe est un nid solitaire, ô colombe !

« Que m’importait ce roi, ce jeune homme à genoux ?
Sais-je ce qu’il disait ? Pourtant, comme une abeille
Dont l’aile folle aux fleurs donne de légers coups,
Sa voix ébranlait mon oreille. »

 — Instinct ! pressentiment qui dans ce cœur sommeille !

« Ce couple, sans témoin, dans la chambre était seul ;
Pourtant dans leur douleur j’étais comme trempée,
Et dans ce lit fatal qui se change en linceul
Je me sentais enveloppée ! »