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Peut-être de mon cœur ils guériront les maux. »
On court, et la stupeur règne sur les visages.

Cependant les vieillards, curieux et touchés
D’être admis à cette heure en ce séjour pudique,
Prennent, adorateurs jusqu’à terre penchés,
Les carreaux que du doigt la reine leur indique.

« Esclaves, laissez-nous. » Et vers le seuil ouvert,
Qui laisse voir le ciel, les pelouses prochaines
Où rit la liberté dans un horizon vert,
Elles vont ; leur essor allégera leurs chaînes.

Seule, ardente, inquiète, et se tournant parfois,
La favorite, lente à suivre ses compagnes,
Préfère l’éventail à la brise des bois,
Et le riche tapis à l’herbe des campagnes.

Elle en veut aux vieillards, mornes sur leurs carreaux.
La reine, que son œil environne de flammes,
N’ose la renvoyer. Sa taille est d’un héros ;
Sa démarche est d’un roi caché parmi des femmes ;

Et son poing sur sa hanche, avec un noble orgueil,
Cherche pour s’appuyer le pommeau d’une épée.
L’esclave ne veut pas sortir, et près du seuil
Un rideau la dérobe à la reine trompée.

Quelle est cette figure aux traits mâles et doux ?
Son pays ? On l’ignore. Et l’âge ? On ne sait guère.
Impassibles vieillards, que ne regardez-vous ?
Croyez-vous que ce soit une esclave vulgaire ?


II.


Devant le conseil solennel
L’enfant tremble ; elle a peur que son rêve n’attire
Sur leur bouche un vague sourire,
Voile du dédain paternel.
Puis elle a honte aussi d’invoquer l’anathème
Contre des fantômes sans corps,
Hôtes qu’elle craint et qu’elle aime.
Parler ? se taire ? — Enfin, lasse de vains efforts,
Elle parle à voix basse, esprit qu’un faux remords
Contraint à se livrer lui-même !

« Le pavé de la chambre était jonché de fleurs
Qui tombaient de ce vase où vous voyez des roses.