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La reine, impérieuse et prompte à se venger,
D’un importun réveil t’accusera peut-être ! —

Belle au mâle regard, au charme féminin,
L’esclave à l’éventail, silencieuse et fière,
À ces propos trempés dans un jaloux venin,
De la plume opposait la brise régulière,

Et d’adoration son œil enveloppait
L’enfant qui s’agitait sur la royale couche.
Tout le groupe, saisi de crainte et de respect,
Attendait immobile et le doigt sur la bouche.

La reine enfin s’éveille, et, dressée à demi,
Cherche partout en vain un spectre qui s’envole.
’harmonie et la paix auprès d’elle ont dormi,
Et l’esclave à ses pieds s’empresse et la console.

L’esclave dit : « Maîtresse, il faut dormir encor. »
Mais la petite reine a secoué la tête.
« Te plaît-il de jouer avec ces colliers d’or
Où sur le diamant le rubis se reflète ?

« Veux-tu que ton jongleur fascine tes serpens ?
Veux-tu que ton poète ou ton fou te harangue ?
Nous pourrions caresser le col vert de tes paons ;
Leur cri te déplaisait, mais ils n’ont plus de langue. »

La reine l’écoutait, et ne répondait rien.
L’esclave dit : « Faut-il appeler à la danse
Une fille du Gange au pas aérien ?
Celles-ci, par leur chant, marqueront la cadence.

« Viens dépouiller ton voile et tromper la chaleur
Parmi les lotus bleus dans tes bains solitaires.
Ton corps est fatigué. L’eau ranime la fleur ;
Nous mêlerons à l’eau des baumes salutaires. »

Art perdu ! vains efforts ! la belle enfant songeait,
Sourde au babil flatteur de l’esclave surprise,
Et son front, accablé par quelque grave objet,
Pliait comme la fleur que la chaleur épuise.

« Maîtresse, parle-moi. Quel malaise envahit
Ces lèvres qu’habitaient le sourire et la joie ?
Celle à qui chaque jour le plaisir obéit
D’impossibles désirs peut-elle être la proie ? »

La reine faiblement laissa tomber ces mots :
« Que l’on m’aille chercher mes conseillers, mes sages !