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Par conséquent, du témoignage même de Nott il résulte qu’il n’existe aucun rapport réel entre le développement de ces facultés chez les mulâtres et la diversité des races blanches qui leur ont donné naissance.

Est-ce à dire que nous entendions nier les assertions de Nott relatives à la Caroline du sud ? Nullement. Le contraste qui en ressort ne fait que confirmer ce que nous disions ailleurs[1]. Nous avions déjà signalé les observations d’Etwick et de Long à la Jamaïque, ainsi que celles du docteur Yvan, d’où il résulte qu’à Java les métis de Hollandais et de Malais ne se reproduisent pas au-delà de la troisième génération ; mais en même temps le témoignage du même observateur montre que dans les autres colonies hollandaises le croisement des deux mêmes races est indéfiniment fécond. Ces irrégularités ne peuvent être attribuées qu’à des influences locales, c’est-à-dire à des actions de milieu. Nous ne pouvons que répéter ce que nous disions alors, et notre manière de voir est pleinement confirmée par les résultats si curieux, si inattendus, auxquels l’étude détaillée des maladies des diverses races humaines dans les diverses régions du globe a conduit M. Boudin[2]. Que des faits de même nature se produisent en Amérique, aux États-Unis ou à Panama, il n’y a rien d’étrange, surtout il n’y a rien qui vienne à l’appui des doctrines polygénistes. L’histoire de nos animaux domestiques présenterait des exemples tout pareils. Les éleveurs savent bien que le croisement des durham avec nos races françaises n’a pas réussi également partout. En conclura-t-on que ces races forment autant d’espèces, et que le durham lui-même, dont on connaît si bien l’origine, est une espèce à part ? Non, mais il faudra bien reconnaître que le milieu exerce une de ces influences que les polygénistes repoussent de toutes leurs forces, parce qu’on ne peut en admettre l’existence sans ébranler la base même de leur doctrine[3]. Ici nous touchons à la question de l’acclimatation, et nous devons nous arrêter[4].

Ainsi toutes les unions entre races humaines, quelque éloignées

  1. Du Croisement des races humaines, livraison du 1er mars 1860.
  2. Traité de Géographie et de Statistique médicales, par M. I.-Ch.-M. Boudin, médecin en chef de l’hôpital militaire du Roule. — Mémoires du même, lus à la Société d’anthropologie de Paris.
  3. Dans mon dernier article, en parlant de la facilité et de l’universalité du métissage, je n’avais fait aucune réserve au sujet des actions de milieu. Le lecteur aura aisément suppléé à mon silence. Il est clair qu’attribuant à ces actions le pouvoir de faciliter l’hybridation, comme je le fais formellement à diverses reprises, je ne pouvais pas lui refuser celui de gêner le métissage. Pour ce qui est de l’homme en particulier, je viens de rappeler que j’avais très nettement émis cette opinion.
  4. En particulier, le fait si souvent cité de la prétendue infécondité des mamelucks rentre entièrement dans cet ordre de questions, comme l’avait fort bien compris Volney, dont M. Broca a justement rappelé les observations trop oubliées.