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tâché de le montrer, et c’est avec une satisfaction bien vive que nous pouvons placer, en regard des preuves directes exposées dans ce travail, celle qui résulte de l’accord unanime entre tant de naturalistes si divers d’esprit et de tendances. Ici encore, au lieu de parler en notre nom, nous préférons citer textuellement le zoologiste que l’ensemble de ses travaux, et surtout ses dernières publications, ont incontestablement placé à la tête de l’école philosophique française. Voici comment s’exprime M. Isidore Geoffroy immédiatement après la comparaison que nous avons reproduite plus haut : « Telle est l’espèce et telle est la race, non-seulement pour une des écoles entre lesquelles se partagent les naturalistes, mais pour toutes, car la gravité de leurs dissentimens sur l’origine et les phases antérieures de l’existence des espèces ne les empêche pas de procéder toutes de même à la distinction et à la détermination de l’espèce et de la race. Tant qu’il s’agit seulement de l’état actuel des êtres organisés (accord d’autant plus digne d’être remarqué qu’il n’existe guère qu’ici), tous les naturalistes pensent de même, ou du moins agissent comme s’ils pensaient de même… Il n’y a donc de Cuvier à Lamarck lui-même qu’une seule manière de concevoir l’espèce au point de vue taxonomique[1]. » Certes il a fallu qu’une autorité bien puissante pesât sur les théories de toutes ces écoles pour les plier au point d’en-arriver à se confondre à propos d’une question aussi générale, aussi grave ; et quelle peut être cette autorité, si ce n’est celle de la vérité se manifestant de telle sorte qu’elle devenait impossible à nier ?

Il y a dans cet accord, si hautement proclamé par la voix la plus autorisée, de quoi donner à réfléchir aux anthropologistes qui, plus ou moins étrangers aux sciences naturelles, et n’ayant pas pratiqué laborieusement l’espèce, comme le dit M. Godron, abordent avec une inexplicable confiance ce problème compliqué et le résolvent en sens contraire de tous les naturalistes. Peu disposé à juger sur la parole d’un maître quelconque, nous n’avons jamais demandé à personne d’agir ainsi. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une question toute spéciale, il nous semble que ceux-là méritent le plus de confiance qui s’en sont le plus occupés ; et quand ces juges naturels, divisés sur une foule d’autres points, en arrivent sur cette question à une entière conformité d’opinion, il nous semble difficile de ne pas croire qu’ils sont dans le vrai. Tout au moins nous croyons-nous obligé de revoir avec soin toutes les pièces avant de protester contre leur décision. Nous ne croyons donc pas être exigeant outre mesure en

  1. Après ce témoignage si formel, appuyé dans l’ouvrage de M. Geoffroy de toutes les preuves nécessaires, que penser des assertions sur le désaccord régnant entre les naturalistes qu’accusent un si grand nombre d’auteurs polygénistes ?