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jours de l’insurrection, Mascezel s’était rangé sous le drapeau romain : après la défaite des milices fidèles à l’empire, il se réfugia en Italie pour sauver sa tête ; mais ses deux fils, tombés entre les mains de leur oncle, furent égorgés, leurs corps privés de sépulture. À la vue de Mascezel venant demander au gouvernement d’Italie vengeance de ses propres injures, et disposant en Afrique d’un parti puissant, Stilicon eut l’idée de l’opposer à son frère, et il lui offrit le commandement des troupes romaines qu’il allait envoyer en Afrique. Ce choix l’affranchissait lui-même de la nécessité de quitter l’Italie, où sa présence, utile pour bien des raisons, l’était surtout par l’attitude d’Alaric, qu’on voyait se rapprocher peu à peu de la frontière. Il n’était point douteux que ce mouvement des Goths ne fût une menace contre Rome : Eutrope environnait ce cœur du monde occidental de tous les périls, de tous les fléaux réunis.

Les levées d’hommes se firent avec une rigueur inaccoutumée ; toutes les exemptions furent suspendues, même celles des sénateurs ; l’Italie d’une extrémité à l’autre retentit du cliquetis des armes. Stilicon n’attendit pas le résultat du recrutement pour envoyer Mascezel en Afrique : il connaissait trop le prix du temps. Organisant à la hâte une petite armée composée des corps les plus éprouvés et les plus redoutables de l’ancienne milice romaine : Joviens, Herculiens, Heureux, Invincibles, Belges-Nerviens, Lions, il y joignit un corps de nouvelle formation, les Honoriaques, créés par lui en l’honneur du jeune Honorius, et qui allaient faire leurs preuves à son service. On n’est pas d’accord sur la force de cette armée, que les uns exagèrent et que les autres diminuent outre mesure ; mais tous reconnaissent que c’était l’élite des troupes occidentales. Une seconde flotte, disposée à Pise en quelques semaines, devait la transporter sur un point convenu de l’Afrique. Elle partit dans les premiers jours de février de l’année 398 malgré les inconvéniens de la saison qu’il fallait braver : assaillie par une violente tempête dans le voisinage de la Sardaigne, elle fut dispersée le long des côtes. Une partie des vaisseaux gagna le port d’Olbia, quelques-uns celui de Sulci ; tous enfin purent se réunir dans la rade de Cagliari, où ils attendirent le vent favorable. Rome était dans une impatience fébrile : on eût dit qu’Annibal ou Pyrrhus allait paraître à ses portes, et le fantôme odieux de l’eunuque se mêlait à ces grandes ombres. Après d’autres retardemens encore qu’un sort contraire semblait multiplier, on apprit que Mascezel et son armée étaient débarqués heureusement. Les mêmes orages avaient interrompu les arrivages de blés ; on les reçut enfin de Gaule et d’Espagne, en assez grande abondance, grâce à l’activité des gouverneurs locaux mis en mouvement par Stilicon. Les souffrances de la disette avaient été