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grand nombre des propriétaires qui habitent les pays de métayage se plaignent de la nécessité où ils se trouvent de présider activement eux-mêmes au partage des récoltes, et se félicitent du grand service que le battage mécanique est appelé à leur rendre en abrégeant et en facilitant leur surveillance. Or ce n’est pas seulement dans les questions de partage que la probité du métayer peut être tentée. Il doit tout son temps et tout le travail de ses animaux à la ferme qu’il exploite ; cependant si le propriétaire est absent, et qu’une occasion de charroi ou de travail extérieur à prix d’argent se présente, refusera-t-il toujours ? Apportera-t-il à soigner les récoltes dont profite son maître autant de conscience qu’il montre de zèle à bien entretenir et à étendre les petites cultures jardinières ou le chanvre dont il profite seul ? S’il est, en même temps que métayer, propriétaire d’un terrain voisin, ne demandera-t-il jamais en cachette au fumier et aux instrumens de la métairie un concours illicite ? Ne grossit-il pas, sous le moindre prétexte, la portion qui lui revient ? Et si dans la ferme il y a quelque bétail dont il doive toucher plus de profits, ne sacrifie-t-il pas tout ce qui est commun entre son maître et lui à ce qui lui est particulièrement avantageux ? C’est ainsi que dans un troupeau se reconnaissent tout de suite, à leur état prospère, les bêtes dont le propriétaire a quelquefois le tort de tolérer l’introduction par le métayer à son profit personnel. Il faut avouer que de pareilles tentations sont incessantes. Pour y obvier, comme aussi pour diriger, non pas les détails d’exécution, ce qui serait un abus, mais l’organisation générale des choses, le propriétaire n’a pas d’autre moyen à employer qu’une surveillance active, c’est-à-dire la résidence. Or celle-ci peut ne pas se concilier avec les goûts et les besoins de tout le monde.

Le plus triste côté du métayage au point de vue économique, c’est sans contredit la mauvaise influence qu’il exerce sur la culture du sol. Sous ce rapport, il est une plaie regrettable, dont souffre dans le développement de sa richesse la société qui le pratique. En toute circonstance, pour consentir à l’emploi d’un capital quelconque comme pour se déterminer à un travail pénible, il faut avoir, sinon la certitude, au moins l’espoir fondé d’en retirer profit. Si ce profit doit être partagé avec un étranger, fût-il le propriétaire ou le cultivateur du sol que l’on exploite, l’amour du travail diminue, le goût des avances s’affaiblit dans la proportion même du partage qui doit avoir lieu, et les soins donnés à la métairie se ressentent de la mauvaise volonté des deux parties contractantes. On fait ce qui est indispensable pour sauvegarder, celui-ci son domaine, celui-là sa position ; mais chacun de son côté s’en tient là. Quant à ces travaux extraordinaires qui changent notablement, qui améliorent l’état de