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offerte. Avec cette combinaison, le fermier, toujours maître de son avenir, peut signer un bail plus court et cependant s’assurer le remboursement des avances faites à ses champs. La terre voit trop développer par une culture énergique sa fécondité naturelle pour qu’un propriétaire ne s’estime pas heureux qu’on lui soumette de pareilles offres, et comme les bons cultivateurs font la richesse des propriétaires, ceux-ci doivent à leurs fermiers des garanties analogues à celles qu’ils en exigent. Au reste, il importe également au propriétaire et au fermier de ne pas attendre l’expiration de l’engagement antérieur pour souscrire un contrat nouveau. À ce moment, le fermier dont la jouissance cesse a dû négliger le plus possible la terre qu’il va quitter. Le propriétaire pour obtenir un fermage plus, fort, le fermier pour trouver des champs meilleurs, — achetât-il cette certitude par une somme d’argent payée au cultivateur sortant, qu’il remplace alors avant la fin de son bail, — ont donc intérêt l’un et l’autre à prendre d’avance toutes leurs précautions.

Quoique déchargé de la gestion matérielle de sa ferme, et sans titre pour intervenir dans l’exploitation tant que celle-ci reste conforme aux conditions souscrites, le propriétaire doit cependant conserver des rapports avec son immeuble, soit par quelques voyages, soit par une résidence fréquente dans la maison de campagne qu’il aura pu se réserver. Il hésitera de la sorte moins souvent à faciliter par quelques avances d’argent certaines opérations qui doivent en définitive tourner à l’avantage commun. Il instruira son fermier des procédés qui donnent ailleurs des résultats profitables ; il l’engagera doucement à tenter quelques améliorations auxquelles même il offrira de contribuer, et peut-être obtiendra-t-il ainsi, non pas seulement sur son domaine, mais encore dans le voisinage, une juste influence qui a bien son prix. C’est par de tels services que l’on acquiert un ascendant sérieux sur l’esprit un peu jaloux et un peu mesquin des populations rurales. Le fermier qui ne voit son propriétaire que pour compter entre ses mains les termes du fermage ne doit pas nourrir pour lui des sentimens bien dévoués. Le propriétaire qui ne voit dans la terre qu’un placement d’argent, une source de revenus, et n’entretient pas avec elle d’autres rapports, ne peut guère s’intéresser aux hommes qui cultivent. Il naît donc de cet éloignement le même désaccord que de l’absentéisme irlandais. Le fermier croit trouver dans son propriétaire, le propriétaire croit trouver dans son fermier une sorte d’ennemi naturel, et la terre, qui leur devrait servir de lien mutuel, devient entre eux une cause de dissension. Quant aux conséquences morales d’un pareil désordre, tout le monde les connaît, tout le monde en apprécie la gravité. L’influence se déplace ; elle passe du propriétaire absent aux mains