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avec le pays allemand qui lui est limitrophe. Alors l’Eyder redeviendrait véritablement la frontière Scandinave et danoise, sans que la monarchie danoise fût véritablement amoindrie. La suppression du lien commun, toujours incertain et en ce moment même à peu près rompu, ne diminuerait en rien ni la richesse ni la puissance du Danemark. Le roi de Danemark, duc de Holstein et Lauenbourg, accorderait à ses sujets allemands toutes les libertés qui leur seraient désirables ; le roi Frédéric VII n’est pas suspect à cet égard. Les Holsteinois de leur côté trouveraient leur compte à une position si indépendante. Que les troubles suscités par l’Allemagne et sans cesse autorisés par l’existence de la constitution commune viennent à cesser, et l’on verra les habitans des duchés s’entendre fort bien avec le roi-duc pour ce qui resterait d’intérêts communs. Demande-t-on comment on pourrait s’y prendre pour supprimer la constitution commune ? Par le même moyen fort simple qui a donné l’existence à cette constitution, par une déclaration du roi de Danemark, d’accord cette fois avec le conseil commun de la monarchie. L’extension de la constitution danoise de 1849 au Slesvig n’empêcherait pas certaines concessions temporaires et transitoires en faveur des populations allemandes de ce duché. Le consentement des grandes puissances signataires des derniers traités serait facilement acquis à de tels changemens et déterminerait l’acceptation de l’Allemagne ; ce consentement, on l’obtiendrait, à coup sûr, de l’Angleterre, de la France et même de la Russie, qui, par les actes de 1720 et de 1746, toujours en vigueur, ont garanti au Danemark la possession du Slesvig ; on l’obtiendrait aussi du gouvernement de Suède et de Norvège, pour qui l’existence du Danemark comme monarchie indépendante est une question de sécurité personnelle et de dignité, et qui cependant ne voudrait pas le défendre au-delà de l’Eyder, de peur de s’embarquer dans des difficultés réelles en outre-passant ses droits en face de l’Allemagne. Toutes les puissances en général sont d’ailleurs intéressées, nous le répétons, à ce que la clé de la Baltique reste entre les mains du Danemark ; elles doivent toutes désirer que le système des annexions ne devienne pas contagieux à l’excès. Il importe enfin qu’une monarchie souveraine, quelque modique que soit sa propre puissance, ne succombe pas injustement sous l’action dissolvante ou bien sous les attaques ouvertes d’une confédération dont il serait souhaitable, au point de vue de la politique extérieure, de régler les mouvemens et de diriger l’action.


A. GEFFROY.