Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/394

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’admettraient à aucun prix le système de l’union personnelle, qui était conforme au droit et qui sauvait le Danemark. En vain s’efforça-t-il de faire accepter un projet (celui des notables de 1850) qui, modifiant en plusieurs points l’union personnelle, formait une certaine unité restreinte. Ce n’était point assez encore : la Prusse et l’Autriche, qui occupaient au nom de la confédération le Holstein, ne permettaient point au roi-duc, souverain légitime, de pacifier lui-même ce duché par ses propres soldats. Elles refusaient de retirer leurs troupes et de rendre l’autorité au roi avant d’avoir été instruites de la manière dont on promettait d’organiser la monarchie, et elles entendaient bien dicter l’organisation qui leur convenait davantage, pesant ainsi moralement d’un grand poids sur les résolutions du roi de Danemark. Elles ne consentirent à retirer leurs troupes et à persuader à la diète de Francfort de ratifier la paix que lorsqu’on leur eut donné communication du projet auquel le roi de Danemark s’était vu réduit par elles, et que publia la proclamation royale du 28 janvier 1852. Ce projet annonçait, comme on se le rappelle, en échange et en remercîment du principe de l’intégrité de la monarchie garantie par les grandes puissances, la fameuse œuvre de la constitution commune, œuvre périlleuse, qui, sous prétexte d’une prétendue égalité entre les différentes parties de la monarchie danoise, dissolvait cette monarchie, éloignant le Slesvig du royaume proprement dit, faisant de celui-ci une province, et rapprochant du Slesvig le Holstein ; œuvre tout allemande et exclusivement profitable aux ambitions de l’Allemagne, œuvre comparable aux trames qui avaient préparé autrefois le démembrement de la Pologne.

Nous avons plus d’une fois montré, depuis 1852, quels pièges inévitables recelait cette coupable conception. Nous avons adjuré la diplomatie occidentale (par malheur occupée de bien autres affaires alors) de ne pas la consacrer quand il était temps encore, et de la renier s’il était possible après l’avoir une fois acceptée. Nous avons proclamé que cette malfaisante machine, après avoir multiplié autour d’elle les désastres et les blessures, ne pourrait pas même entrer régulièrement en mouvement, qu’on la verrait craquer et se disloquer de toutes parts. Nous a-t-il fallu beaucoup de temps pour être témoins de tous les effets prédits ? — Trois ans à peine. En effet la constitution commune promise le 28 janvier 1852 a été proclamée le 2 octobre 1855. Sur la demande même de l’Allemagne, elle a été suspendue pour le Holstein et le Lauenbourg le 6 novembre 1858, et, comme nous avons assisté aux tiraillemens de ses mouvemens informes, nous assistons aujourd’hui aux inextricables difficultés de son naufrage partiel (puisse-t-il devenir complet et définitif !). Dès le mois de juin 1854, on a pu constater le premier effet, pour les intérêts danois, de