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Valdemar, mais à ces deux monumens antérieurs, et présente, une incontestable parenté avec le droit Scandinave en général bien plutôt qu’avec le droit allemand.

Si nous faisions sur les langues la même recherche que nous venons de faire sur le droit, étude qui nous serait rendue facile par le curieux ouvrage qu’a publié récemment à Copenhague M. Allen[1], nous obtiendrions le même résultat. Nous verrions le Danemark tout entier, surtout les hautes classes dans les villes, envahi partiellement, à certaines époques de son histoire, par la langue allemande, devenue la langue officielle, celle de la haute administration et des affaires ; mais nous verrions aussi le peuple et les campagnes conserver l’idiome national, et le tenir en réserve pour le jour de la réaction anti-germanique. M. Allen suit les progrès de cette réaction, qui insensiblement, pendant toute la première partie du XIXe siècle, reconquiert le pays, mais qui, une fois arrivée dans la partie méridionale du Slesvig, y trouve la langue allemande trop fermement implantée, par suite du voisinage du Holstein, pour en pouvoir encore triompher. Le midi du Slesvig a parlé jadis le danois comme tout le reste du Nord ; mais sa langue est aujourd’hui un patois plat-allemand fort désagréable, pire que celui de nos campagnes alsaciennes. La réaction nationale en Danemark, après avoir reconquis le royaume et une partie du Slesvig, s’est arrêtée devant ce germanisme établi en maître. Loin de faire appel, contre une usurpation consommée, à des violences législatives ou morales, le gouvernement danois a reconnu par ses règlemens administratifs que la langue du midi du Slesvig était désormais l’allemand, et il n’en a pas contesté l’usage. Tout le duché a été, sous le rapport de la langue, divisé en trois districts. Excepté une commune danoise dans la ville de Flensbourg, le district méridional est entièrement allemand, et contient 177,000 habitans. Le district septentrional est entièrement danois, et compte 135,000 âmes. Le district intermédiaire, au centre du duché, est, sous le rapport des langages, à peu près également mélangé. Toutefois les villes, ou plutôt les bourgs, car on s’aperçoit bien de l’exiguïté des nombres sur lesquels nous calculons, appartiennent de préférence à l’idiome allemand, et les campagnes à la langue nationale ; 218,000 habitans appartiennent à la première catégorie, 176,000 à la seconde. Voici comment dans ce district intermédiaire l’usage des deux langues est réglé. Pour le service divin, dans les villes, on prêche tous les dimanches en toutes les deux également ; dans les campagnes, on alterne, les sermons et instructions ayant lieu un dimanche en

  1. les questions de langues dans le duché de Slesvig, 2 vol. in-8o, en danois et en allemand.