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dans tout le nord de l’Allemagne, avec le but avoué de préparer la jeunesse à la guerre, a préludé à la diffusion nouvelle des associations nationales (National-Vereine). Le double nom de Slesvig-Holstein est de nouveau, comme en 1848, dans toutes les bouches allemandes. Le roi Guillaume a prononcé la moitié de ce mot magique, son parlement a prononcé l’autre ; déjà les comités unitaires ont pénétré jusque dans le Holstein, et un fonctionnaire de ce duché, un fonctionnaire bel esprit, a porté dans un banquet un toast à Guillaume le Conquérant !

En attendant la conquête ouverte ou bien pour y suppléer, l’Allemagne épuise et tue lentement le Danemark. Or le Danemark a toute sorte de droits à l’existence, et il ne peut pas convenir à l’Europe, il ne peut pas convenir à la Russie ni à l’Angleterre, — ni, ce semble, à la France, que la clé de la Baltique passe entre les mains de la Prusse, que l’Allemagne ait enfin une marine militaire, avec le roi de Prusse pour grand-amiral et Kiel pour admirable rade. Et cependant la diplomatie européenne, presque aussi distraite, suivant les apparences, qu’en 1851, prêtant l’oreille, aujourd’hui comme alors, à d’autres bruits, soucieuse par-dessus tout d’étouffer en ce moment un nouveau ferment de guerre, semble ne pas comprendre qu’il s’agit de l’existence même d’un état souverain éminemment utile à l’équilibre général et du triomphe d’un long dessein allemand qui ne saurait s’accomplir, même partiellement, qu’au mépris des textes où sont inscrits les principes d’après lesquels la confédération germanique est tenue de se régler.

Si la question dano-allemande est obscure, comme on se plaît à le répéter sans éprouver la tentation de le vérifier soi-même, rappelons-nous que cette obscurité est un piège, et que le Danemark n’en est pas coupable, lui qui ne demande qu’à faire table rase, et qui, là où son action est restée indépendante et libre, a su briser sans violent effort et sans secousse les entraves contraires à un sage développement constitutionnel. Cette obscurité n’est pas d’ailleurs difficile à percer, il vaut la peine de s’y appliquer. On verra qu’elle recouvre des envahissemens excessifs et des ambitions illégitimes.


I

L’histoire des envahissemens du germanisme en Danemark serait longue à raconter ; il suffit de rappeler que la prospérité de la ligue hanséatique, fondée au XIIIe siècle par les villes Scandinaves, avait tourné finalement au profit des villes allemandes, (rue Brème, Hambourg et Lübeck avaient supplanté Visby, et que cette transformation, en livrant le commerce du nord aux Allemands, avait introduit