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par le comité de Gênes et les recrues des Calabres eurent augmenté nos troupes, deux nouvelles divisions furent créées sous les ordres de Sirtori et de Nino Bixio. Le principal noyau de cette armée, exclusivement composée de volontaires, était représenté par les Italiens du nord. Tous les jeunes gens de la Vénétie qui avaient pu échapper à la surveillance excessive de la police autrichienne étaient parmi nous ; la ville de Milan avait envoyé un très beau corps de bersaglieri qui rivalisaient de valeur et d’entrain avec les bersaglieri génois, si admirés aux combats de Calatafimi et de Melazzo. Les deux villes guerrières de la Lombardie, Bergame et Brescia, n’avaient point démenti leur glorieuse renommée, et les meilleurs parmi leurs fils étaient près de Garibaldi. Les habitans des états romains étaient accourus aussi se ranger sous la bannière verte, blanche et rouge ; on les reconnaissait à la sonorité de leur langage et à la façon vraiment héroïque dont ils supportaient la fatigue. Nous avions encore beaucoup de Toscans, très jeunes pour la majeure partie et d’une admirable fermeté dans l’action. Modène et Parme n’avaient point fait défaut non plus, et l’on peut dire que la patrie italienne tout entière avait tenu à honneur d’envoyer ses enfans affranchir la portion d’elle-même qui attendait la délivrance. L’élément étranger n’était pas absent : nous comptions sous la chemise rouge beaucoup de Hongrois, quelques Allemands, une centaine de Français, des Suisses en assez grande quantité, peu de Polonais, une dizaine de Russes, et des Anglais, nombreux surtout parmi les officiers. Quant à la légion anglaise, forte de douze cents hommes équipés et armés par les souscriptions de l’Angleterre, et dont on a beaucoup parlé, elle ne nous rejoignit que plus tard à Naples, vers le milieu du mois d’octobre.

On avait essayé d’éveiller l’esprit militaire parmi les populations siciliennes ; mais c’était une tâche difficile, et l’on échoua. On eut beau s’appuyer sur le sentiment national, faire sonner à tous les cœurs les grands mots de patrie et de liberté : la Sicile fut sourde. Et comment aurait-elle entendu ? Depuis des siècles, elle a été tant battue et tant torturée qu’elle n’était plus pour ainsi dire qu’un cadavre. Il faut donner à ce Lazare le temps de sortir de son tombeau avant de lui demander de faire acte de vie. En l’absence de cet enthousiasme qui, à certains momens de l’histoire des peuples, les pousse vers le danger comme vers un devoir impérieux, on décréta l’enrôlement forcé, et l’on se recruta ainsi d’une troupe qui, si elle ne fut pas toujours très brillante dans le combat, donna du moins de grandes preuves d’énergie et de résignation dans la fatigue.

J’ai entendu certaines gens blâmer avec amertume les Siciliens, et leur appliquer des épithètes violentes que je ne répéterai pas, car elles ne rendraient nullement ma pensée. On a été trop sévère, et