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PASION.

Et tu l’appelles ?

PRAXIAS.

La Bonne-Foi.

AGORACRITE.

Que nous vendras-tu cette année, ô Tyrien ? Quelles marchandises contiennent les flancs de ta galère ?

BODASTOREH.

Des parfums, des tapis, des couvertures puniques, des tissus aux broderies variées, de l’ébène, du bois de cèdre, de l’ivoire, du verre travaillé, des couleurs pour les peintres, des matières précieuses pour les sculpteurs. J’ai fait venir des bords du Gange deux pierres plus pures que l’azur du ciel, plus transparentes que l’onde éclairée par les premiers rayons du jour. Phidias me les avait demandées pour les yeux de son colosse. J’amène encore de jeunes esclaves dignes de la couche d’un roi. Leur taille est plus élégante que le palmier, leurs lèvres ressemblent à un fil de pourpre, leur joue brille sous les plis du voile comme une moitié de grenade, leurs seins sont deux jumeaux de gazelle qui paissent au milieu des lis.

PÆONIOS.

De quel pays sont-elles ?

BODASTOREH.

Du pays des Beni-Israël. Là, toutes les femmes sont belles, tous les hommes laids.

PRAXIAS.

Ce doit être la patrie du banquier Pasion.

BODASTOREH.

Il est vrai que les traits de Pasion rappellent ceux de ce peuple. ( Éclat de rire général.)

PASION.

Bodastoreth veut plaisanter.

BODASTOREH.

Bodastoreth ne plaisante jamais ; mais Pasion est mon ami, et les Beni-Israël sont des chiens, fils de chiens.

PRAXIAS.

Eh quoi ! Pasion, ne prendras-tu pas la défense de tes ancêtres ?

AGORACRITE.

Tu manques de prudence, Praxias, en attaquant un homme tel que Pasion. Tu oublies que demain il sera puissant, et que tu demeureras exposé à sa vengeance. Pour moi, j’aurai plus d’adresse, et m’inscrirai au nombre de ses amis.

PADION

Cette amitié est chose bien nouvelle, Agoracrite.

AGORACRITE.

Elle n’en est que meilleure. Les matelots se défient des vieux cordages, et les soldats des vieux boucliers.

PASION.

Tu me caches quelque piège.

AGORACRITE.

Qui pourrait échapper à ta pénétration ? Non, voici tout mon calcul. Tant