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éclairées et par la hauteur de leurs fonctions et par la grandeur des intérêts confiés à leur garde. Nous ne sommes assurément pour rien dans ce grand naufrage dont d’autres s’imputent mutuellement la responsabilité par leurs récriminations entre-croisées. Nous n’avons donc point à intervenir dans la querelle. Nous n’avons eu qu’à définir la position du libéralisme français devant une crise qui touche au terme. Si, après cela, nous avions des Burke parmi nous, si, confondant les moyens employés avec les résultats accomplis dans la révolution italienne et oubliant leurs principes dans leurs préventions contre les personnes, quelques esprits ardens et légers voulaient tenter de former au sein de cette déroute nous ne savons quel impossible torysme clérical, nous les laisserions s’éloigner en les suivant d’un regard triste et étonné. Nous savons que la cause libérale demeure avec Fox.

Que nos lecteurs se rassurent : l’enceinte de nos assemblées ne sera point le théâtre où se répétera la rupture dramatique et émouvante qu’un souvenir par trop ambitieux rappelle à notre pensée. Nous croyons pourtant que les questions italienne et romaine seront au sénat et au corps législatif le principal thème de la discussion de l’adresse, et nous nous attendons à des luttes oratoires bien plus vives que celles dont un faible écho était depuis neuf ans arrivé jusqu’à nous. Nous sommes curieux de voir quelles lumières ce débat répandra sur la question italienne, et ce qu’il laissera voir des résolutions finales du gouvernement. Parmi les questions extérieures, bien après les affaires d’Italie, viennent celles de Syrie. Nous ne pensons pas que celles-ci donnent lieu à un débat parlementaire. On sait que l’affaire de Syrie a été récemment examinée à Paris par une conférence des grandes puissances. Il s’agissait de déterminer si, conformément au traité de l’année dernière, nos troupes quitteraient en effet le 5 mars la Syrie. L’état de la Syrie permet-il à la protection de l’Europe de se retirer de ce pays et d’en abandonner l’administration aux Turcs ? L’humanité et la prudence ne conseillent-elles pas de ne point s’en tenir à une exécution trop littérale du traité, et d’attendre pour l’évacuation le moment où la répression des désordres de l’année dernière sera complète, où des garanties sérieuses de pacification et d’ordre pour l’avenir auront été établies ? Il importe avant tout de remarquer que le gouvernement français ne fait point de la prolongation du séjour de ses troupes en Syrie ce qu’on appelle une question. La France sait que la teneur du traité l’oblige ; elle reconnaît que, si toutes les puissances qui ont signé la convention ne sont point d’accord sur la nécessité de prolonger notre expédition, elle devra exécuter le traité. D’ailleurs, si l’on décide que la présence d’une force européenne en Syrie est encore prescrite par la situation de cette province, la France est prête à partager avec les troupes des autres puissances l’office de protection qu’elle remplit auprès des chrétiens. Il n’y a donc point là, il importa qu’on le sache, de question d’où puisse naître un conflit diplomatique. L’attitude de l’Angleterre