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de 100 rotolis (98 livres anglaises, 40 kilogr. environ). En 1849, l’Égypte livrait à la consommation européenne 260,000 quintaux, chiffre minime, qu’expliquent une quasi disette de trois années en Europe et en Syrie et le stimulus qu’en avait reçu la culture des céréales. En 1852 ; les grains abondent, et la réaction a lieu : l’exportation monte à 671,000 quintaux, le total le plus élevé que l’on connaisse. Dès lors les fluctuations ont été moins sensibles, et la culture est restée stationnaire. 1859 n’accuse que 503,000 quintaux contre 520,000 en 1858, 540,000 en 1856, et 520,000en 1855. La consommation manufacturière indigène, plus faible aujourd’hui qu’elle ne le fut jamais, ne retient guère que 40 ou 60,000 quintaux de coton par an. Cette industrie pourrait se relever en Égypte ; il ne faudrait pour cela qu’un peu de confiance dans l’assiette politique. Nous, savons des hommes et des capitaux tout prêts à profiter dans ce sens du premier moment de tranquillité.

Il y a donc fort loin des chiffres précédens au million de balles que l’Economist fait venir d’un trait de plume de l’Égypte. Cette contrée d’ailleurs est la seule où la culture du coton ait la chance de rester longtemps encore une des principales sources de la prospérité publique, parce que les indigènes y sont essentiellement agriculteurs, parce que le terrain et la main-d’œuvre y sont encore à bon marché. Une addition de bras étrangers, chinois ou malais, y développerait au fur et à mesure de leur immigration des ressources sans fin, à la condition, bien entendu, que la spéculation européenne n’intervînt point entre l’arbre et l’écorce. Ce qui fait la sécurité de l’Égypte au point de vue agricole, c’est la somme infinitésimale des besoins de la population fellah. Dotez-la d’exigences nouvelles, enseignez-lui l’intempérance, le luxe, ce que nous appelons les nécessités de la vie humaine : aussitôt vous verrez les terrains augmenter de prix, la main-d’œuvre devenir plus chère et plus rare, et la culture du coton cesser, faute d’être profitable.

L’archipel ottoman pourra fournir quelques centaines de balles de plus, — encore est-ce problématique. — La côte occidentale de l’Afrique est une pépinière que la Grande-Bretagne soigne, mais sur laquelle on ne peut pas compter avant plusieurs années. — Port-Natal, qui est aujourd’hui entré dans sa période ascendante, donne pour la production cotonnière de légitimes espérances. Cependant les élémens de succès n’y sont pas les mêmes qu’en Égypte ou à la côte d’Afrique. Les Cafres et les Hottentots ne sont ni aussi paisibles ni aussi portés vers l’agriculture que les fellahs et les nègres. C’est donc plutôt de l’immigration des blancs qu’il faut attendre la solution cherchée, et surtout du degré de protection dont le gouvernement couvrira cet établissement, encore tout plein du souvenir des