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De toutes les sortes de coton, il n’y a que les provenances de l’Union qui ne soient pas restées stationnaires durant les cinq dernières années. L’Inde anglaise a peu avancé, et, sauf en 1857, la moyenne décennale n’a fourni aucune amélioration sensible. En 1857, la récolte ayant été très limitée aux États-Unis, on poussa l’exportation des cotons de l’Inde avec une activité inusitée, n’en laissant que le moins possible pour les besoins de la fabrication indigène. Il serait très difficile de prouver ou de nier qu’il y ait eu cette année-là augmentation de culture. Nous penchons pour la négative, parce que le temps matériel aurait manqué pour ensemencer plus de terrains en Asie, depuis l’arrivée de la nouvelle que la récolte de l’Union était insuffisante. Le Brésil pourrait quintupler sa culture, si les bras ne lui faisaient défaut, si le mauvais accueil fait à l’immigration n’avait pas éloigné des milliers de familles suisses et allemandes, si enfin des fièvres mortelles et épidémiques ne s’y étaient donné rendez-vous depuis quelques années. Plusieurs cargaisons de coolies ont été importées à Bahia ; mais il ne paraît pas que jusqu’à présent l’essai ait été heureux. On attend beaucoup de certains railways entrepris : c’est là tout l’espoir du moment.

L’Égypte a des terrains disponibles, propres à la culture du coton mako et capables de fournir des récoltes trois fois plus importantes que celles quelle obtient aujourd’hui ; mais les bras lui font défaut, et pour combler cette lacune il faudrait y introduire des travailleurs libres, noirs ou coolies, ce qui, pour plusieurs raisons, nous semble peu probable. Quant à la Turquie d’Asie, l’Anatolie, la Syrie et autres provinces de l’intérieur, très bien situées pour la production d’un certain lainage, il n’est guère possible d’y penser maintenant, à moins que l’émigration n’y soit dirigée d’Europe par gros bataillons, sous la protection des puissances et à l’aide de concessions de terres faites en bonne forme, avec garantie de sécurité. Jamais les populations indigènes, disséminées, amoindries par la guerre, ruinées par les exactions de la Porte, ne pourront trouver en elles-mêmes la dose d’initiative et d’énergie nécessaire pour entreprendre une pareille œuvre agricole. Et puis est-ce bien dans ce pays des lenteurs et des préjugés que le remède que l’on cherche peut être trouvé ? Pour cultiver et produire du coton en abondance et de bonne qualité, il faut de l’eau, du soleil, un terrain léger, mais ameubli. Ce qu’il faut surtout, c’est la confiance publique, la sécurité. Sans ces conditions, les capitaux manquent, et comment se procurer alors les bras pour cultiver, les machines pour arroser, la mise de fonds en un mot, si le crédit public n’existe pas ? À ces divers égards, le Levant doit être rayé, quant à présent, de la liste des pays producteurs.