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« Ne pas prendre Dieu injustement à témoin. — Buscagrius, professeur de grec à Upsal, cite un auteur à faux dans une disputation. Son adversaire le remarque. Buscagrius répond qu’il a cité juste, et prend Dieu à témoin que s’il en est autrement, il ne remontera dans sa chaire de sa vie. De retour au logis, il compulse et voit qu’il a cité à faux. Il est saisi d’un tremblement, se met au lit, et ne remonta plus jamais dans sa chaire.

« Il y a eu des libres penseurs dans tous les temps. Ils admettent l’existence d’un Dieu, mais rejettent le péché originel, la rédemption et la trinité. Ils disent que le Christ a été un saint homme qui est venu enseigner la morale par son exemple. Ils prétendent que c’est un certain concile qui a décrété l’existence du Saint-Esprit, mais qu’il s’en est fallu d’une seule voix que la chose eût manqué. — Pourquoi les théologiens s’occupent-ils de les réfuter plutôt qu’une foule d’autres menus hérétiques ?

« Catholicisme. — Séparation du spirituel et du temporel ; aveuglement d’une multitude superstitieuse, cérémonies, processions, chant, musique, cierges, eau bénite, consécration des églises, des cimetières, des cloches à la Vierge. Partout bénédictions et signes de croix. Nouvelle manière de sorcellerie. La croyance aux saints amenée par la croyance au pape. Reliques : sainte croix, cheveux de la Vierge, tête de saint Jean, os de saint Éric. Miracles des saints. Pardon des péchés acheté avec des lettres d’absolution, à la condition qu’on suive le saint Sacrement chez les malades, qu’on serve à l’église une absurde messe, qu’on admire les miracles de la croix, l’image de la Vierge… Légendes, songes, récits de moines. Couvens de bénédictins, de bernardins, etc.

« Je me représente l’homme comme un flambeau. — Dieu lui-même allume chaque âme de son propre feu. Chacune brille sur le théâtre du monde telle que Dieu l’a douée. Il y a des hommes que Dieu a créés grands et resplendissant flambeaux ; d’autres ne sont que lampes chétives. Tant qu’ils durent les uns et les autres, ils brillent, et puis, quand ils sont achevés, Dieu en met d’autres à leurs places, afin que la lumière ne soit pas interrompue. Aussi peu le flambeau peut dire que le château qu’il éclaire est fait pour lui, aussi peu l’homme doit-il croire que le monde ait été créé pour lui. Non, tout a été fait, selon les desseins de la suprême sagesse, pour la gloire de Dieu.

« Rien n’est à nous, tout est à Dieu. — Le pauvre paysan travaille assidûment toute l’année : à peine a-t-il de la paille pour se coucher. Il retire bien peu de chose de son travail. Sic vos non vobis… Toi, tu dis : c’est mon champ, j’en puis disposer à mon gré. Je réponds : ce n’est pas ton champ ; tout cela, Dieu te l’a prêté. Quand Dieu te le reprendra, rends-le sans plainte ; ce n’était qu’un prêt.