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meilleures entreprises. On a commencé avec soixante actions de 5,000 francs, souscrites par douze personnes qui s’imposèrent l’obligation, acceptée depuis par les nouveaux actionnaires, de ne prélever que 4 pour 100 d’intérêt et de renoncer à tout autre bénéfice[1]. Le gouvernement donna 300,000 francs à la condition que la compagnie en dépenserait 900,000, qu’elle vendrait les maisons à prix de revient et ne les louerait pas au-dessus de 8 pour 100. On a créé depuis onze autres actions qui ont été souscrites par sept personnes, ce qui porte le nombre des actions à soixante et onze, le nombre des actionnaires à dix-neuf, le capital souscrit à 355,000 fr., auxquels il faut ajouter les 300,000 francs du gouvernement. Tout a été fait, et largement fait, avec des ressources si restreintes, et cependant il n’y a eu aucune perte pour les actionnaires. Ainsi voilà une grande chose faite à bon marché. L’habileté de la société a consisté à emprunter sur les maisons bâties pour en bâtir de nouvelles ; elle a trouvé à Bâle des capitalistes qui lui ont avancé les trois quarts de la valeur vénale de ses maisons à 5 pour cent d’intérêt d’abord, et qui les lui avancent aujourd’hui à 4 1/2 pour 100 moyennant la garantie de M. Jean Dollfus. Pendant les cinq premières années, elle paie seulement l’intérêt des sommes prêtées, et pendant les quinze années suivantes elle en fait le remboursement par quinzièmes, de telle sorte que l’amortissement de sa dette marche parallèlement avec l’amortissement de la dette que les ouvriers acquéreurs contractent envers elle. Le crédit foncier a fait aussi une avance remboursable en trente années, aujourd’hui réduites à vingt-quatre par les paiemens déjà opérés. C’est ainsi que la société a trouvé moyen d’étendre ses opérations jusqu’à 1,600,000 fr ; , non compris les 300,000 fr. alloués par l’état, qui ont été employés pour des usages d’utilité générale, tels que la création de bains et lavoirs, l’éclairage au gaz, l’établissement de la place Napoléon et de vastes rues plantées d’arbres, les trottoirs, les égouts, etc. L’état s’est tenu à cette subvention ; les maisons nouvellement bâties sont affranchies de l’impôt foncier pendant trois ans, mais ce dégrèvement est réglementaire ; on n’a pas songé à l’étendre à l’impôt des portes et fenêtres, ce qui semblerait assez juste et aurait été facile, puisque l’état en réalité ne perd rien les trois premières années et bénéficie la quatrième.

Une amélioration bien plus importante consisterait à affranchir de tout droit de mutation les ouvriers qui se rendent acquéreurs d’une maison. La perte serait absolument insignifiante pour le trésor, qui ne fera jamais un sacrifice plus opportun ni mieux justifié. Il n’y aurait pas grand mal assurément quand il donnerait une petite prime

  1. La société mulhousienne des cités ouvrières a été constituée en juin 1853.