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seuls le huitième des terres labourables. Les fermiers hasardent volontiers une grande partie de leurs peines et de leurs engrais sur la venue de cette plante, qui ne gèle que rarement. Il faut pour cela un froid très vif, 14 ou 15 degrés au-dessous de zéro, et encore le dommage n’est-il habituellement que partiel. Au printemps, lorsqu’ils fleurissent, plus tôt même, suivant les nécessités du moment, les choux sont coupés au pied ; la tige dure est fendue longitudinalement en quatre parties, et les rudes mâchoires des bêtes à cornes dévorent le tronc et les feuilles. Les souches, arrachées plus tard, lorsque le champ est de nouveau mis en culture, servent à faire du feu. Outre l’avantage de donner une quantité de nourriture considérable, ces végétaux ont celui de laisser la terre complètement nettoyée de mauvaises herbes ; leurs feuilles, superposées les unes aux autres, forment un toit tellement épais, interceptent si bien le passage de l’air, que les mauvaises herbes les plus vivaces périssent étouffées. Cet avantage est inappréciable pour les récoltes de céréales qui succèdent aux choux ; aussi l’introduction de ce végétal dans le Bocage a-t-elle réellement fait la fortune du pays. Dans l’esprit du paysan, toute culture doit céder le pas à celle-là, et vraiment il a raison.

La culture des plantes sarclées n’a pas fait complètement abandonner la jachère. Jusqu’à ce que la masse d’engrais dont on peut disposer soit beaucoup augmentée, ce qui arrivera progressivement, on devra user de courtes jachères. Heureusement elles ne sont pas absolument improductives ; la nature du terrain, aidée par le climat humide de l’ouest, fait qu’elles donnent de bons pacages. Dans les terres les moins bonnes, il pousse au moins des genêts et des ajoncs qui sont coupés et vendus pour le chauffage des fours. Les engrais artificiels, surtout le noir animal, viennent augmenter les ressources propres du pays ; mais un obstacle plus sérieux que le défaut d’engrais à l’extension de la culture se trouve dans le manque de bras. La Vendée avait été dépeuplée par la guerre civile ; aujourd’hui elle est loin encore d’avoir la population qu’elle pourrait nourrir, et qui lui serait nécessaire. L’industrie est venue en aide à l’agriculture avec ses machines à battre le grain. Les cultivateurs ont tout de suite compris le parti qu’ils en pouvaient tirer ; ils ont laissé de côté l’esprit de routine, et ont montré de l’intelligence en les adoptant promptement. Aujourd’hui ils réclament des communications faciles, ils se plaignent de dépenser sur les chemins leurs sueurs, leur temps, la chair et le sang de leurs animaux. Les questions de chemins vicinaux sont les questions brûlantes dans les conseils municipaux. Ils entendent parler des chemins de fer, de ces voies rapides ouvertes ailleurs au commerce, et gémissent de ce que leur pays soit une des rares régions de la France qui restent en dehors de cette facilité de communication. Malheureusement, en pareille matière, ils ne peuvent que désirer et demander.

La question des chemins de fer est aujourd’hui à l’ordre du jour dans l’ouest. Quant à celle des chemins vicinaux, rien ne fait encore prévoir que