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concessions importantes, concessions qui sont devenues alors aux yeux de la Hongrie des preuves de la faiblesse de la cour de Vienne et des signes irrécusables de leur propre force. Au lieu de se les concilier, la cour de Vienne n’a fait que les encourager ainsi dans d’autres résistances, que les exciter à élever des prétentions nouvelles, qu’accroître leur mépris pour le gouvernement et leur confiance dans le succès final de leurs efforts. Ces défaillances du pouvoir central ont placé et ont laissé depuis plusieurs mois la Hongrie dans une situation réellement révolutionnaire, c’est-à-dire avec une administration détraquée, une justice désorganisée, une perception de l’impôt irrégulière ou impuissante. Jusqu’à la veille de la diète, le gouvernement a été obligé de capituler devant les Hongrois. L’empereur n’ouvrant pas la diète en personne, la Hongrie ne pouvant avoir de palatin avant le sacre du roi, l’ouverture de la diète revenait au chef de la justice, au judex curiœ ; mais pour que le judex pût légalement remplir cette fonction, il était nécessaire que la curie existât. Réorganiser la curie hongroise, cela n’entrait pas dans la pensée du ministère autrichien, qui voulait attendre la réunion du parlement de l’empire. Cette question provoqua à Vienne, il y a trois semaines, une crise ministérielle ; elle fut résolue conformément aux exigences légales de la Hongrie. Vint la réunion de la diète. Le décret voulait que la diète siégeât à Bude ; les députés, en arrivant à Pesth, décidèrent dans les réunions préparatoires que, conformément à la constitution de 1848, c’est à Pesth qu’on s’assemblerait. Le président d’âge, M. Paloczy, vieillard de quatre-vingts ans, un des plus célèbres jurisconsultes du pays, alla informer le judex curiœ, M. d’Apponyi, de ce vœu unanime des députés. On négocia aussitôt avec Vienne par le télégraphe, et Vienne finit par céder, à la condition que la séance d’ouverture aurait lieu à Bude.

L’inauguration de la diète a donc été précédée d’une série de défaites qu’il eût été bien facile au gouvernement impérial de s’épargner. Peut-être ces nombreux échecs ont-ils épuisé la patience du cabinet de Vienne ; ils étaient au contraire en Hongrie des triomphes pour le parti avancé, qu’ils ont exalté dans ses prétentions. Aussi l’un des premiers symptômes qui se soient manifestés depuis la réunion de la diète, c’est le déclin de la popularité du chef du parti modéré, constitutionnel et légal, M. Deak, et l’ascendant marqué du parti avancé, conduit par le comte Téléki. M. Deak est certes aussi contraire que les ultra-magyars à la participation de la Hongrie à la représentation centrale de l’empire. Il y a un mois, il a su habilement ménager l’union des Croates aux Hongrois en posant comme condition absolue de cette union que les Croates s’abstiendraient d’envoyer des représentans au parlement de l’empire. Sur le fond des choses, les opinions de M. Deak ne diffèrent pas de celles du parti avancé. La différence est dans la tactique qu’il s’agit d’employer envers l’Autriche. M. Deak et le parti modéré pensent que l’on pourra obtenir de la cour de Vienne toutes les concessions