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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 avril 1861.

Nous ne nous lasserons pas de signaler la cause de cette anxiété croissante qui est devenue la maladie chronique de notre pays. Il y a certes en Europe de graves difficultés, de nombreuses perspectives de périls, d’amples sujets d’inquiétude. Nous assistons à un travail de décomposition universelle. Tout se dissout autour de nous. En Italie, c’est une révolution religieuse, commune au monde catholique, qui s’agite avec le sort temporel de la papauté ; c’est la paix immédiate de l’Europe qui se débat dans la lutte des chefs politiques du mouvement unitaire. En Hongrie, c’est l’existence d’un grand empire européen qui est mise en question. En Pologne, la cause d’une nationalité si longtemps opprimée se présente au monde sous les plus touchantes apparences de la légitimité, de la justice, de l’invincible fidélité d’un peuple à lui-même à travers le martyre. Dans le Holstein au contraire, nous voyons le principe des nationalités donner lieu aux équivoques les plus ambiguës, tout en exposant à de prochaines perturbations la paix européenne. Puis, dans le fond du tableau, c’est l’empire ottoman, le vaste et permanent foyer de la dissolution générale, l’empire ottoman, dont la décomposition intérieure peut à tout moment mettre aux prises les ambitions des grandes puissances. Quand les esprits médiocres, déconcertés, effarés, auront parcouru, compté, dénoncé ces problèmes qui nous entourent et nous obsèdent, ils n’auront pas donné la vraie raison du trouble moral et de l’anxiété dont la France et l’Europe sont saisies. Les difficultés extérieures sont de tous les temps ; la civilisation, à tous les degrés de son développement, est accompagnée d’ébranlemens, de mouvemens incertains et périlleux. Ces grands hasards de la vie politique n’ont rien en eux-mêmes qui doive jeter l’opinion dans un vague effroi. Gouvernemens et peuples doivent s’habituer à vivre avec de telles difficultés ; c’est la condition de leur existence. La cause vraie, profonde, principale du malaise moral que chacun ressent aujourd’hui n’est point dans la