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plus familièrement des exemples étrangers. Le maître de 1466, le Finiguerra de l’Allemagne, en ce sens qu’il y donne la mesure de ce que pourra la gravure nationale et que, le premier, il s’y comporte en artiste, le maître de 1466 avait étudié de fort près les ouvrages de Roger van der Weyden, puisque deux de ses estampes sont empruntées aux compositions du peintre flamand. Malgré son originalité incontestable et la supériorité de son talent, Martin Schongauer lui-même rappellera toute sa vie, dans ses ouvrages, l’école d’où il est sorti. On le disait récemment avec justesse : « Il tient moins à l’Allemagne qu’à l’école de Bruges, dont il est, comme graveur, le fidèle interprète, et dont il reproduit le caractère avec l’accent d’un maître. Vasari, contemporain d’Albert Dürer et écrivain judicieux, ne s’y trompa pas. Frappé de la similitude du style de Martin avec celui des artistes flamands, il ne désigna jamais le maître de Colmar que sous le nom de Martin d’Anvers[1]. » Or, si les plus habiles parmi les graveurs allemands de la fin du XVe siècle ne dédaignaient pas de se faire ainsi les élèves ou les imitateurs des disciples de van Eyck, on pourrait admettre à plus forte raison qu’avant l’époque où ils parurent les mêmes habitudes d’imitation existaient chez des hommes bien moins qu’eux en mesure de se passer d’un pareil secours. Mettre au compte de l’école flamande les moins défectueuses de ces pièces dont M. Passavant entend doter l’Allemagne, — supposer par surcroît, en s’autorisant de l’état des arts et de l’industrie dans les Pays-Bas dès le commencement du XVe siècle, que les orfèvres flamands, plus experts et plus ingénieux alors que tous les autres, imaginèrent les premiers d’appliquer l’impression à la gravure en creux, soit pour juger de l’effet de leurs travaux avant l’achèvement, soit pour opposer aux produits de la xylographie et de la miniature des produits obtenus par un procédé plus simple ou moins coûteux, — est-ce substituer gratuitement ses conjectures personnelles aux hypothèses d’autrui, et n’y a-t-il pas là quelque chose de plus qu’un pressentiment instinctif ? Mais ne disputons pas là-dessus. Lors même que M. Passavant consentirait à se dessaisir, au profit de l’école des Pays-Bas, de cette Vierge de 1451 ou de quelque pièce contemporaine, d’origine allemande suivant lui, il n’en garderait pas moins, pour les besoins de sa cause, un argument sans réplique : — les sept estampes sur la Passion, découvertes par M. Renouvier, et dont une, représentant la Flagellation, porte le millésime de 1446.

Oui sans doute, voilà qui n’a pas été gravé ailleurs qu’en Allemagne : oui, la plus ancienne gravure sur métal datée appartient a ce pays aussi légitimement que la plus ancienne gravure sur bois,

  1. Martin Schöngauer, peintre et graveur du quinzième siècle, par M. Emile Galichon.