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dernières années du XVe siècle, et qu’il ait été gravé par des Hollandais ou des Allemands, le tout n’a qu’une importance fort secondaire à ses yeux. On ne saurait, selon lui, voir dans les pièces proposées jusqu’ici comme les plus anciens monumens de la gravure sur bois rien de plus qu’un témoignage de la perpétuité de cet art en Europe. Pour rétablir les vraies origines, le trop savant auteur du Discours historique sur la Gravure n’hésite pas à remonter fort au-delà de l’ère chrétienne. Encore même à cette époque, même en Grèce sous les successeurs d’Alexandre, n’aurait-on fait que continuer les traditions des peuples de l’Asie qui, depuis un temps immémorial, imprimaient des tissus au moyen de moules en bois. À Dieu ne plaise que nous essayions de discuter les faits rapportés par M. Émeric David, et que nous songions à nous aventurer à nos propres risques en si docte matière ! Trop de textes empruntés aux philosophes et aux poètes de l’antiquité, aux prophètes et aux docteurs de l’église, semblent prêter secours à cette théorie, d’ailleurs un peu vaste. Le mieux et le plus court est de l’accepter de confiance et d’admettre sur la foi d’Homère et d’Hérodote, d’Ezéchiel et de saint Clément d’Alexandrie, que depuis les âges héroïques jusqu’aux premiers temps du christianisme, on n’a point cessé d’imprimer sur diverses étoffes des ornemens taillés dans des planches de bois. À plus forte raison, nous ne marchanderons pas au moyen âge la possession d’un secret populaire depuis tant de siècles. Qu’il nous soit permis seulement d’objecter que de tels faits n’impliquent pas nécessairement, là où ils se sont produits, la connaissance et la pratique d’un procédé plus délicat, que plusieurs siècles ont pu se succéder durant lesquels on imprimait des toiles sans que pour cela l’on songeât à compléter ce moyen industriel, à le faire tourner au profit de l’art. Longtemps avant l’invention de la typographie, on se servait de cachets dont les lettres taillées en relief et enduites de couleur déposaient par la pression leur empreinte sur le papier. Les estampilles au moyen desquelles les écrivains et les miniaturistes traçaient les contours des lettres majuscules dans les manuscrits ne devaient-elles pas aussi, à ce qu’il semble, hâter les derniers progrès et faire naître l’idée d’un perfectionnement fort simple en apparence ? On sait toutefois ce qu’il a fallu d’années et de recherches pour amener ce perfectionnement décisif. Pourquoi l’art de la gravure sur bois n’aurait-il pas, comme l’art typographique, attendu son heure bien au-delà de l’époque où des découvertes analogues auraient dû, si l’on veut, le faire pressentir ? Pourquoi, l’impression tabellaire une fois importée en Europe, ne serait-il pas advenu d’elle ce qui est advenu d’autres procédés aussi ingénieux dans leur principe, aussi bornés dans leur application première ? Le verre par exemple était bien connu des peuples de l’antiquité : combien de temps