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en ce genre qui ait été écrit en France depuis l’Abecedario de Mariette, — nous donnent, sous des formes littéraires un peu trop flottantes il est vrai, des enseignemens et des avis facilement profitables à tout le monde. Si donc, dans son nouveau travail, M. Renouvier a paru rechercher un succès plus étroitement limité, s’il s’est appliqué surtout à retrouver des dates et à analyser de vieux monumens avec une patience dont les initiés à peu près seuls lui tiendront compte, la faute en est beaucoup moins sans doute à ses propres goûts qu’aux exigences mêmes et à l’aridité de son sujet. Osons dire toute notre pensée, dût un tel aveu scandaliser plus d’une docte conscience : ces enquêtes sur l’époque précise où les premiers essais de gravure s’accomplirent, ces efforts pour recueillir des témoignages infirmant l’opinion qui attribue la découverte à Maso Finiguerra, tout cela nous semble au fond assez oiseux et très peu compromettant pour la gloire de l’orfèvre florentin. Finiguerra est en réalité l’inventeur de la gravure, puisque, en se servant du nouveau procédé, il a su faire acte d’artiste là où ses devanciers ou ses contemporains n’avaient laissé pressentir qu’une vulgaire adresse de manœuvre. Il mérite sa renommée au même titre que Gutenberg, qui ne fit, lui aussi, que trouver le secret d’un perfectionnement décisif, au même titre que Cimabue, le vrai fondateur de la dynastie des maîtres et le premier peintre, à vrai dire, qui ait paru dans les temps modernes, bien que la peinture ne fût rien moins qu’une nouveauté à l’époque où il naquit. Que la Paix de Florence ne soit pas, à ne consulter que la chronologie, le premier monument de la gravure, je le veux bien. Toujours est-il qu’aucun des essais antérieurs, aucune des pièces dont on s’arme comme d’argumens péremptoires pour ruiner la tradition accréditée, ne permettrait même de soupçonner ce que nous montre cette estampe si justement célèbre, et que par conséquent celui qui l’a faite, au lieu de rien usurper, a tout conquis.

Il y a peu d’années encore, les droits de Finiguerra n’étaient plus contestés par personne. Depuis que l’abbé Zani avait, dans une de ses visites au cabinet de Paris, reconnu, vers la fin du siècle dernier, une épreuve de la Paix, gravée et niellée en 1452 par l’orfèvre florentin, — épreuve nécessairement tirée avant que le mélange métallique qui devait constituer l’effet du nielle se fût incrusté dans les tailles creusées par le burin, — les querelles sur les origines de la gravure semblaient apaisées pour jamais, et les prétentions de l’Allemagne à ce propos réduites une fois pour toutes au silence. On se tut en effet pendant un demi-siècle, mais pour discuter ensuite de plus belle, pour remettre en question, sinon l’authenticité même d’un fait qui ne souffrait pas de réplique, au moins la signification et la portée de ce fait principal. On découvrit, on produisit,