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environ le capital absorbé par l’administration depuis qu’on a posé les premiers fils de ce vaste réseau, qui, suivant d’abord toutes les lignes de chemins.de fer au fur et à mesure de leur construction, doit bientôt relier toutes nos sous-préfectures et entourer la ligne de nos côtes d’un circuit non interrompu. Si les télégraphes étaient exploités par une compagnie particulière, les actionnaires s’attendraient à recevoir les intérêts de cette somme ; mais l’état, bien loin de bénéficier sur son réseau, sacrifie encore annuellement près d’un million pour l’exploiter. La position financière de l’administration est loin, on le voit, d’être brillante, et l’on s’explique par là qu’elle hésite à diminuer ses tarifs. Les principaux motifs qui jusqu’ici ont contribué à diminuer les bénéfices sont, d’une part, l’extension continuelle et systématique du réseau, de l’autre les services gratuits que l’administration rend à l’état. Pour le réseau, il est notoire que l’on crée chaque jour de nouveaux bureaux dont une partie demeure improductive. Ce n’est pas qu’il y ait lieu de blâmer ces adjonctions, le temps viendra où, le réseau entier terminé, toutes les sous-préfectures de France réunies par des fils, la correspondance télégraphique entrée dans les habitudes du pays, tous les sacrifices faits aujourd’hui devront porter des fruits ; peut-être y aurait-il lieu cependant d’élever quelques critiques de détail, de blâmer certains choix hâtifs, plutôt inspirés par les convenances administratives que par l’intérêt du public. L’augmentation du nombre des bureaux, par conséquent l’extension du réseau, loin d’avoir amené une augmentation notable dans les recettes moyennes par station et par kilomètre dans les deux dernières années, ont déterminé sur ces chiffres une notable diminution[1].

  1. Les chiffres sont curieux. Le réseau télégraphique en 1851 avait 2,133 kilomètres de longueur, — 3,458 kilom. en 1852, — 7,175 kilom. en 1853, — 9,244 kilom. en 1854, — 10,502 kilom. en 1855, — 11,265 kilom. en 1850, — 11,420 kilom. en 1857, — 13,030 kilom. en 1858, — 16,049 kilom. en 1859. Pendant les mêmes années, les recettes totales des dépêches françaises et internationales sont toujours allées en augmentant, et ont atteint successivement les chiffrés suivans : 76,722 fr., — 542,891 fr., — 1,511,901 fr. — 2,064,983 fr., — 2,487,159 fr., — 3,191,102 fr., — 3,333,095 fr., — 3,516,033 fr., — 4,022,799 fr. ; mais en divisant les recettes totales par le nombre de kilomètres exploités-dans l’année, on voit que les recettes moyennes par kilomètre de ligne ont été successivement 359 fr. 60 c, — 157 fr., — 210 fr. 72 c, — 223 fr. 38 c, — 236 fr. 83 c, — 283 fr. 27 c, — 291 fr. 66 c, — 269 fr. 89 c, — 250 fr. 65 c. De 1852 à 1857, il y a donc eu augmentation ; mais de 1857 à 1859 il y a diminution.
    Quant aux stations qui ont produit ces recettes, elles ont été de 1851 à 1859 au nombre de 17, — 43, — 91, — 128, — 149, — 167, — 171, — 193, — 240. Les produits bruts moyens annuels par station ont été eYi augmentant de 1852 à 1857, puis en diminuant notablement de 1857 à 1859. Ces chiffres ont été 4,513 fr. 08 c, — 12,023 fr., — 15,526 fr. 15 c, -- 16,054 fr. 62 c, — 16,692 fr. 34 c, — 19,108 fr. 83 c, — 19,495 fr. 29 c, — 18,220 fr. 90 c, — 16,761 fr. 24 c. Il est arrivé ici quelque chose d’analogue à ce qu’on a observé sur les chemins de fer : les premières lignes ont eu de fort belles recettes, et les embranchemens ont eu pour effet de diminuer la recette kilométrique.