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d’une charge proportionnée à un service rendu, l’administration aurait mille fois raison ; mais à qui fera-t-elle adopter cette manière de voir ? Qui se soucie, dans l’expédition des affaires, d’autre chose que de la célérité et de la commodité des transactions ? L’opinion publique est toujours favorable aux simplifications. On l’a si bien compris, qu’à l’exemple des petits pays, tels que la Saxe, la Suisse, le Wurtemberg, le Hanovre, le duché de Mecklembourg, le duché de Bade, la Hollande, on a abandonné le principe des distances pour chaque département français, ainsi que pour la zone formée par un département entouré de tous ses limitrophes.

Ce tarif exceptionnel a malheureusement servi très peu d’intérêts. Les tableaux statistiques de M. Pélicier montrent que, sur 100 dépêches expédiées en 1858, 70 ont été taxées d’après la distance, 12 seulement échangées entre les bureaux d’un même département, jouissant par conséquent du tarif de 1 franc, et 18 échangées entre stations de départemens voisins, jouissant du tarif de 1 franc 50 centimes. En 1859, le progrès de la télégraphie inter-départementale a été presque insensible : sur 100 dépêches, on en a compté 15 d’un département pour le même département, 20 de département à département limitrophe, et 65 pour le reste de la France. « En considérant, dit avec beaucoup de raison M. Pélicier, que la ville de Paris, à elle seule, expédie plus d’un tiers des dépêches totales, et renferme par conséquent plus d’un tiers des expéditeurs, on comprend que ces derniers soient fondés à se plaindre de dispositions moins favorables que s’ils résidaient dans un autre département : 1° parce que, de tous les départemens, celui de la Seine a le territoire, le plus restreint ; 2° parce que, totalement enclavé dans Seine-et-Oise, lui seul entre tous n’a qu’un département limitrophe. » Il faut avouer qu’on n’est guère tenté de correspondre télégraphiquement avec Versailles et Saint-Cloud, quand pour de pareilles distances il faut payer 1 fr. 50 cent. Les bureaux établis dans l’intérieur même de Paris transmettent les dépêches d’un point de la ville à un autre ; mais ce genre de correspondance ne leur amène aucune clientèle. On a le droit de s’étonner pourtant que les tarifs spéciaux de 1 fr. et de 1 fr. 50 cent, n’aient pas produit un plus grand mouvement télégraphique dans les provinces. On condamne toujours volontiers l’administration en France, mais on ne blâme point assez notre esprit de routine et d’inertie, qui oppose tant de difficultés au progrès.

Il faut pourtant bien que le public le sache : il n’y a qu’un moyen d’obtenir la diminution des taxes télégraphiques, c’est précisément de se servir autant que possible du télégraphe. La question des tarifs n’est en effet qu’une question de chiffres, et l’on ne peut véritablement exiger de l’administration qu’elle n’essaie pas de mettre